LE MONDE | 16.05.05 | 13h29 • Mis à jour le 16.05.05 | 13h29
Varsovie de notre envoyée spéciale
A quoi sert encore le Conseil de l'Europe ? Les 46 Etats membres de cette organisation au passé prestigieux en matière de droits de l'homme, aujourd'hui en crise, tentent de répondre à cette question, lundi 16 et mardi 17 mai, à l'occasion d'un sommet organisé à Varsovie. Quelque 50 dirigeants étant attendus, cette réunion se tient au Château royal sous haute sécurité. L'espace aérien a été fermé dans un rayon de 80 km et 10 000 policiers ont été déployés dans la capitale, où était annoncée une manifestation d'altermondialistes.
Pendant les années qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale, la répartition des politiques européennes a été claire : le Conseil de l'Europe, créé en 1949 et basé à Strasbourg, se consacrait aux droits de l'homme, tandis que la Communauté européenne, créée en 1957, et dont l'exécutif se trouvait à Bruxelles, s'occupait seulement d'économie. Après la chute du mur de Berlin, le Conseil de l'Europe a d'ailleurs été la première organisation en mesure d'accueillir les pays d'Europe centrale et orientale.
Le développement de l'Union européenne a brouillé les cartes : cette organisation supranationale n'a cessé, d'une part, d'accroître ses compétences en dehors du secteur économique et, d'autre part, d'élargir son périmètre géographique, passé de 6 à 25 pays, dont ceux de l'ancien bloc de l'Est. Le Conseil de l'Europe apparaît, a posteriori, comme l'antichambre de l'Union européenne, dans laquelle ces Etats, une fois affranchis de la tutelle soviétique, doivent patienter, jusqu'à ce qu'ils développent une économie de marché et qu'ils établissent la démocratie.
La Turquie, entrée dès 1950 au Conseil de l'Europe, se sert volontiers de l'Assemblée parlementaire de cette organisation pour faire part de ses doléances concernant l'Union européenne, à l'entrée dans laquelle elle est candidate, et Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc, est attendu au sommet. Bien que la Russie appartienne depuis 1996 à cette organisation intergouvernementale, Vladimir Poutine a annoncé qu'il ne serait pas présent. Le président russe n'aime guère le Conseil de l'Europe, censé lui rappeler ses devoirs en matière de droits de l'homme, bien que celui-ci ne lui fasse guère de reproches sur la manière dont il traite la population tchétchène.
Le Conseil de l'Europe s'inquiète de voir l'Union européenne empiéter sur le domaine des droits de l'homme. La transformation annoncée de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, basé à Vienne, en une Agence des droits de l'homme, le préoccupe tout particulièrement. Il ne souhaite pas que cette Agence surveille l'application des droits sociaux, des droits des minorités, du traitement des prisonniers ou de la lutte contre la discrimination raciale, dont il s'est déjà chargé. Il espère que le président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, ainsi que le président en exercice du Conseil de l'Union européenne, Jean-Claude Juncker, lui confirmeront qu'il n'est pas question de dupliquer ce qui a déjà été fait.
Le Conseil de l'Europe, dont le budget est par ailleurs limité, songe à abandonner les multiples activités qui sont les siennes en matière de culture, d'éducation, de sport, de social, d'environnement ou de santé : ses innombrables recommandations, bien que fort intéressantes, ne sont guère suivies d'effet. Il doit aussi s'interroger sur la meilleure manière de faire fonctionner sa juridiction, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), victime de son succès. Il souhaite que les Etats entérinent une réforme qui prévoit notamment qu'une requête pourra être déclarée irrecevable par un juge unique, au lieu de trois précédemment. Mais, cette mesure étant jugée insuffisante avant même d'être entrée en vigueur, il va s'interroger sur la manière de désengorger la juridiction, sans toutefois limiter le précieux droit de recours.
Rafaële Rivais
Article paru dans l'édition du 17.05.05
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