13.5.05

Rome veut un vrai siège européen aux Nations unies

ITALIE

Rome : Richard Heuzé
[Le Figaro 13 mai 2005]

Pour empêcher en 1998 l'Allemagne de devenir membre permanent du Conseil de sécurité, l'ambassadeur italien à l'ONU, Francesco Paolo Fulci, s'était écrié à haute voix, lors d'une réception : «N'oubliez pas que l'Italie elle aussi a perdu la guerre.»
En parvenant à imposer la majorité des deux tiers des pays (et non des seuls mem bres présents) pour faire approuver toute réforme des statuts de l'ONU, ce diplomate avait largement contribué à l'échec de la dernière réforme de l'Organisation.
Le problème se pose à nouveau à quatre mois du sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement qui se tiendra à New York du 14 au 16 septembre pour approuver la nouvelle réforme, à l'ouverture de la session annuelle de l'Assemblée générale.
Aucun des deux scénarios élaborés par des experts et présentés en mars aux Etats membres par Kofi Annan en vue de réformer le Conseil de sécurité ne satisfait l'Italie, qui se verrait privée d'un siège au profit de l'Allemagne si l'un ou l'autre était adopté.
Aussi le gouvernement de Silvio Berlusconi a-t-il élaboré une proposition alternative, dite de la «troisième voie», qui offre le mérite de mettre l'accent sur les représentations régionales et semble séduire un grand nombre de pays risquant d'être laissés pour compte dans les deux précédents scénarios.
Cette proposition, défendue à New York le 11 avril par le vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, Gianfranco Fini, devant les représentants permanents de 115 pays, a reçu un bon accueil.
La Chine s'y est déclarée favorable. La Russie appelle de son côté à éviter toute division.
L'idée italienne vise à élargir le Conseil de sécurité à 25 membres (et non plus 24 comme dans les scénarios précédents) : les 5 membres permanents, qui conserveraient leur droit de veto. Et 20 sièges distribués par rotation régionale. Deux cas sont envisagés : dans le premier, ces 20 pays seraient choisis pour un mandat de deux ou trois ans, après quoi ils devraient céder leur siège à d'autres. Dans le second, 12 d'entre eux le seraient pour deux ans et les 8 autres pour trois ou quatre ans.
«A la différence des scénarios précédents, cette proposition a le mérite de ne pas créer de divisions. Nous qui croyons fermement au multilatéralisme devons tout faire pour éviter que l'ONU perde en crédibilité. C'est l'ultime chance», déclare Gianfranco Fini qui croit que Kofi Annan conduira la réforme à bon port : «La communauté internationale, dans sa grande majorité, lui fait confiance.»
Il s'explique : «Pensez-vous que la Chine accepterait aujourd'hui de gaieté de coeur que le Japon devienne membre permanent ? Que dirait l'Egypte si les deux sièges attribués à l'Afrique étaient réservés à l'Afrique du Sud et au Nigeria ? Sans parler du Mexique qui proteste déjà parce qu'on pense l'exclure au profit du Brésil et de l'Argentine ? Ou du Pakistan, puissance nucléaire, qui parle même de quitter l'ONU si l'Inde est seule à représenter le sous-continent indien ? Et comment réagiraient les pays arabes si l'Indonésie, pays islamique le plus peuplé au monde, était choisi alors qu'il n'appartient pas à la Ligue arabe ?»
Il relativise l'importance de la bagarre diplomatique en sourdine que se livrent Rome et Berlin : «L'Italie ne revendique aucun siège», rappelle-t-il.
Pour l'ambassadeur Fulci, la proposition italienne permet de «rendre les organisations régionales «protagonistes» de la réforme». «C'est la grande nouveauté», ajoute-t-il. A commencer par l'Union européenne : «La Constitution en cours de ratification prévoit la nomination d'un ministre européen des Affaires étrangères. Exiger que l'Europe ait un siège permanent serait prématuré. Mais attribuer ce siège à l'Allemagne alors que France et Grande-Bretagne en ont déjà un reviendrait à barrer la route à jamais et aux autres pays, et à l'Europe elle-même. Sans contester le bien-fondé de la revendication allemande, force est de constater qu'une réforme reposant sur cette base partirait d'un bien mauvais pied.»

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