L’Italie attendait fébrilement, samedi soir, les résultats de la finale du 55e festival de la chanson italienne de SanRemo lorsque, vers minuit moins dix, le présentateur Paolo Bonolis annonçait un flash « extraordinaire » du TG1, le journal télévisé de la première chaîne publique italienne. Il s’agissait du retour de la dépouille de la dépouille de Nicola Calipari, un policier de cinquante ans détaché auprès des services italiens de renseignement (SISMI) à Bagdad. Ce spécialiste du grand banditisme du sud de la péninsule était tombé la veille, alors qu’il arrivait en vue de l’aéroport de Bagdad avec l’otage Giuliana Sgrena, à peine libérée.
Un comité d’attente, officiels italiens et un colonel américain, les attendaient à l’abri de l’aérogare. Dans la nuit irakienne, une patrouille affolée a ouvert le feu en direction du véhicule non blindé. L’officier italien a fait barrage de son corps pour protéger la journaliste, qui a été touchée d’une balle à l’épaule. Lui a expié à ses pieds, tandis que son collègue au volant était légèrement blessé. Le tout en direct avec Rome, puisqu’il était en contact avec le patron du SISME, le général Nicolo Pollari. L’enquête expliquera les raisons de ce tir ami. Le mensonge américain, selon lequel les Italiens ne les auraient pas informé, ne tient pas plus que lors de l’action de la DGSE pour libérer Georges Malbrunot et Christian Chesnot. Ou alors les Américains ne contrôle pas du tout l’Irak !
Cette affaire fait l’objet d’une bombe en Italie, où le tribut à la guerre américaine est déjà lourd, tant militairement — on se souvient des dix-neuf carabiniers de Nassiriya, en novembre 2003 — que civilement — tous les otages, à l’exception des huit de Nicola Calipari, dont Simona Pari, Simona Toretta et Giuliana Sgrena, ont été exécutés. La crise diplomatique n’en est qu’à son début. Médiatiquement, elle a donné lieu à une manifestation de patriotisme que l’on aimerait voir plus souvent. Le « TG1 staordinario » s’est ouvert sur le présentateur qui à passé le relais à son envoyé spécial à Ciampino, Filippo Gaudenzi. Les images montraient le piquet de soldats de différentes armes (armée de terre, marine, Guarda di finanza carabiniers et policiers). Le président Carlo Azeglio Ciampi, le président du Conseil Silvio Berlusconi, dont le défunt était un proche (son épouse est une des collaboratrice du Cavaliere), ainsi que plusieurs ministres et membres du clergé qui assistait à la scène n’ont été vus que de dos et de loin. Régulièrement, des plans de coupe étaient réalisés entre le dispositif militaire et un drapeau italien sur son mat.
Puis est apparu dans le ciel noir de l’aéroport romain un Hercule C-130. Le cercueil de Nicola Calipari était à l’intérieur. Il était minuit. Son épouse, sa mère et sa fille ont éclaté en sanglots au moment où sa dépouille, recouverte d'un drapeau italien, était portée par une garde d'honneur. Le président Ciampi a ensuite posé ses deux mains sur le cercueil, demeurant immobile devant le corps pendant près de deux minutes. La dépouille mortelle a ensuite été déposée dans un fourgon mortuaire qui s’est dirigé vers un hôpital militaire du centre de Rome. Le commentateur prit bien soin d’annoncer que le corps serait déposé lendemain matin au Vittoriano, ce monument-gâteau de la piazza Venezia, hymne à la patrie
Cinq des sept chaînes nationales de télévision italiennes retransmettaient en direct le retour du corps de l’agent secret, soulignant le choc et l’incrédulité de l’opinion publique. Mais, sur la RAI 1, cette diffusion intervenait au beau milieu d’un événement populaire. Le retour au théâtre de l’Ariston de SanRemo a été marqué par une intervention de Paolo Bonolis qui n’avait rien de prévu. Alors qu’il lisait le prompteur pour préparer son enchaînement, rappelant le pourquoi de l’interruption, il marqua un temps, bafouilla quelques mots et se mit à applaudir, en hommage à la victime. D’un seul homme, la salle s’est levée et l’a suivi. Profitant qu’elle était debout, il a ensuite demandé une minute de silence « contre l’absurdité de cette guerre ». Certes, il était minuit vingt, mais le fait est suffisamment rare sur un média de grande écoute pour qu’il soit signalé.
Cette spontanéité était également un témoignage du choc que représente, en Italie, cette mort, couplée au retour d’une otage. Elle pose également la question de la représentation de la mort dans les médias, largement médiatisée dans ce cas, comme elle avait été mise en scène en France pour les neuf soldats tombés en Côte d’Ivoire en novembre 2004. Comme elle ne l’est plus dans les médias américains…
7.3.05
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