Depuis que la guerre est la guerre, des hommes et des femmes sont morts sous le feu de leurs « amis ». C’est imparable aux règles de la guerre. Lorsque ce genre d’incidents arrive dans le cadre de la sécurité publique, on parle de bavures. A la chasse, on parle simplement d’accident. C’est imparable aux règles humaines, dès qu’il est question d’arme. Les causes en sont multiples, mais il en est deux qui sont malheureusement universelles : la peur et l’inexpérience. La peur amène des hommes et des femmes portant une arme à tirer, non pour viser quelqu’un, mais pour exorciser un bruit. Le coup de feu rassure. L’inexpérience conduit aux mêmes errements. Qu’il s’agisse de comportements réflexes, d’incompréhension des ordres ou d’incompétence, les conditions de maniement des armes, de main, de poing, d’épaule ou lourdes, s’en ressentent. Dès lors, toutes les erreurs sont possibles.
Pour éviter au maximum ce genre d’inconvénients, les armées ont tenté de réagir. Le drill et les règles d’engagement sont à l’évidence le meilleur comportement. En théorie toutefois car, une fois sur le terrain, entre les procédures officielles écrites d’ouverture du feu et les ordres reçus par les commandants de terrain, il y a souvent une marge. D’autre part, dans des situations particulières (et chaque guerre est particulière) comme celle que connaît l’Irak depuis deux ans, la frontière entre zone militaire et vie civile est très ténue. L’Irak est en situation de guerre, malgré ce que peuvent en dire les médias, après des simulacres électoraux, et la route de l’aéroport, qui n’a jamais pu être sécurisée, est le théâtre quasi-quotidien d’attaques de la guérilla. Civils ou militaires, Américains, Britanniques ou d’autres nationalités de la coalition ont interdiction de parcourir ces seize kilomètres qui séparent Bagdad-ville de l’aéroport autrement que par hélicoptère militaire. Dans le reste du pays, le manque de coordination entre unités de la coalition cause des incidents. Ainsi, Gardi Gardev, trente ans, a été tué vendredi, presqu’au même moment que Nicola Calipari, sur une route entre Diwaniyah (centre) et Bagdad, alors qu’il regagnait sa base à bord d’un véhicule blindé. Sa patrouille a tiré en l’air pour mettre en garde une voiture civile irakienne qui l’approchait et a alors essuyé les tirs nourris d’une position américaine se trouvant à proximité, protégeant un poste de communication radio.
Comme à l’accoutumée dans ce genre d’incidents, le Pentagone a annoncé l’ouverture d’une enquête. Souvent très jeunes, sans expérience et, comme dans le cas italien, nouvellement arrivés — ou revenus — sur le théâtre irakien, les soldats américains ont la réputation, en Irak comme en Afghanistan, où les victimes civiles accidentelles de leurs opérations se comptent par centaines, d’avoir la gâchette facile. Dans un pays où des dizaines de morts, essentiellement irakiennes, ont lieu chaque jour dans des attentats terroristes, des règlements de compte ou des opérations militaires, les « bavures » de ce type, que les Anglo-Saxons qualifient de « tirs amis », sont si fréquentes qu’elles sont désormais rarement rapportées par les médias étrangers, notamment américains.
« Nous avons au minimum une demi-douzaine de victimes par semaine à travers le pays confie le rédacteur en chef d’un journal bagdadi. Sauf quand c’est une famille entière qui est tuée parce que le conducteur n’a pas compris les signes d'arrêter que les soldats lui faisaient, ou qu’il ne les a tout simplement pas vus parce que de nuit surtout, les Américains sont extrêmement nerveux et ne font pas toujours ce qu’ils devraient faire pour être vus, nous ne les rapportons plus que sous forme d’informations brèves. »
Plusieurs unités de l’armée américaine ont d’ailleurs établi dans leurs bases des « bureaux de compensation », plus ou moins officiels, dans lesquels les familles irakiennes peuvent venir se plaindre de la mort ou mutilation accidentelle d’un de leur proche par des balles américaines, et recevoir une « compensation financière ». Au printemps 2004, le New York Times avait établi que « l’enveloppe » accordée aux familles, en échange d’un engagement à ne pas poursuivre en justice les militaires incriminés, se montait au maximum à mille dollars (750 euros) pour une blessure, et à deux mille dollars cinq cents (1 900 euros) pour une mort.
Le président bulgare Gueorgui Parvanov a reçu hier l’ambassadeur des Etats-Unis à Sofia et exigé des sanctions contre « les coupables ». Les Etats-Unis prennent l’affaire « très au sérieux » et « enquêteront », a assuré l’ambassade à l’AFP. Mais ce que craint surtout l’opinion publique italienne, c’est que la responsabilité de l’attaque de Bagdad ne soit attribuée à quelques soldats sans que l’on recherche de possibles dysfonctionnements dans la hiérarchie.
8.3.05
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire