28.7.05

Washington obtient des garanties sur sa présence militaire en Asie centrale

LE MONDE | 28.07.05 | 12h52  •  Mis à jour le 28.07.05 | 12h52
MOSCOU de notre correspondante

Le secrétaire américain à la défense, Donald Rumsfeld, vient d'obtenir, lors d'une tournée dans deux républiques d'Asie centrale, des garanties quant à la présence militaire américaine dans cette région utilisée comme base arrière pour les opérations de la force internationale déployée en Afghanistan. Les turbulences géopolitiques se sont ravivées dans l'Asie centrale ex-soviétique, où les Etats-Unis, la Russie et la Chine se livrent une lutte d'influence rappelant le "Grand Jeu" qui a opposé dans cette région, au XIXe siècle, les empires britannique et russe.
La visite de M. Rumsfeld au Kirghizstan et au Tadjikistan, lundi 25 et mardi 26 juillet, est intervenue quelques semaines après un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghaï qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. La Russie a indiqué qu'elle entendait s'appuyer sur cette structure - conçue en 2001 comme un forum pour combattre le terrorisme, le trafic de drogue et le séparatisme ouïgour - afin d'augmenter le nombre de ses troupes en Asie centrale. Lors de ce sommet, tenu le 5 juillet à Astana, la capitale kazakhe, les Etats membres se sont prononcés pour qu'une "date butoir" limite la durée du déploiement des bases américaines dans la région. Ils ont estimé que "la phase militaire active de l'opération antiterroriste en Afghanistan" touchait à sa fin, et que, en conséquence, le déploiement américain perdait de sa justification.


SILENCE À MOSCOU


Les Etats-Unis ont mis en place deux bases militaires dans la région depuis 2001 et le début des combats contre les talibans : l'une au Kirghizstan, sur l'aéroport de Manas, l'autre en Ouzbékistan, sur la base aérienne de Khanabad, jadis utilisée par l'armée soviétique pendant sa guerre d'Afghanistan. La Russie a, de son côté, inauguré en 2003 une nouvelle base au Kirghizstan, dont elle voudrait doubler les effectifs.
Le jeu des alliances s'est sensiblement modifié ces derniers mois. Les relations entre Washington et le régime du dictateur ouzbek, Islam Karimov, se sont dégradées après le massacre, le 13 mai, de plusieurs centaines de manifestants dans la ville d'Andijan. La tournée de M. Rumsfeld n'a pas inclus l'Ouzbékistan. La nervosité de la Russie face à l'avancée américaine dans son "pré carré" traditionnel s'est accrue depuis la "révolution démocratique" survenue en mars au Kirghizstan. Le Kremlin se demande si Washington ne cherche pas à contribuer à d'autres changements de régime dans cette région riche en hydrocarbures. En quête de soutiens, Islam Karimov, au pouvoir depuis 1989, a opéré un rapprochement avec la Chine et la Russie, où il a été reçu par les présidents Hu Jintao et Vladimir Poutine, peu après la tuerie d'Andijan.
"A votre place, je ne ferais pas mes bagages" , a lancé, mardi, Donald Rumsfeld aux troupes américaines stationnées à Manas, avant de se rendre au Tadjikistan, où les autorités locales lui ont fourni de nouvelles assurances sur l'utilisation de leurs infrastructures par l'aviation américaine. Moscou a réagi par le silence à ce succès américain. "On demande aux Américains de partir, et ils résistent" , a commenté le journal Etoile rouge , qui sert de porte-voix aux milieux militaires russes.
Le régime de Vladimir Poutine prend en même temps soin de ne pas faire de la question des bases un sujet de contentieux ouvert avec Washington. Nikolaï Bordiouja, le secrétaire général de l'Organisation du traité de sécurité collective, une autre structure dominée par Moscou dans l'ex-espace soviétique, a cherché à minimiser le coup de semonce envoyé aux Etats-Unis lors du sommet d'Astana. La déclaration de l'Organisation de coopération de Shanghaï, a-t-il dit, "ne constitue pas une demande de retrait immédiat des troupes" américaines. "Il ne faut pas dramatiser" , a-t-il ajouté.
Moscou tente de résister à l'érosion de son influence dans la région, mais se montre aussi incapable de rivaliser avec les sommes d'argent versées par les Etats-Unis aux petites républiques du Kirghizstan (50 millions de dollars) et du Tadjikistan (environ 42 millions de dollars), comme prix de leur présence militaire. Washington a récemment obtenu que les gardes-frontières russes qui étaient déployés à la frontière entre le Tadjikistan et l'Afghanistan, où ils prenaient notoirement part au trafic de drogue, soient remplacés par des forces locales entraînées et équipées par les Etats-Unis.

Natalie Nougayrède
Article paru dans l'édition du 29.07.05

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