16.2.05

Le pire cauchemar américain s’est réalisé

A l’issue du scrutin du 30 janvier, la communauté majoritaire dans le pays obtient sa revanche après des décennies de répression, en particulier sous le régime de Saddam Hussein. La liste parrainée par le grand ayatollah Ali Al-Sistani obtient 140 des 275 sièges de l’Assemblée transitoire. Parce qu’elle représente 60 % de la population et qu’elle est parvenue à faire front commun sous la bannière de l’Alliance irakienne unifiée (AIU), la communauté chi‘ite a, comme c’était attendu, largement remporté les élections du 30 janvier en Irak. Elle n’a toutefois pas obtenu la majorité absolue (48,1 % des suffrages), mais pourra néanmoins contrôler complètement la nouvelle Assemblée transitoire.
Comme prévu également, les Kurdes, qui, eux aussi, avaient uni leurs forces au sein de l’Alliance kurde, arrivent en deuxième position avec 25,7 % des voix et vont, de ce fait, pouvoir jouer un rôle capital d’arbitre dans l’Assemblée. Bien avant la publication des résultats, dimanche 13 février, par la Commission électorale indépendante, Jalal Talabani, de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), a revendiqué soit le poste de président de la République, soit celui de premier ministre. En plus de leur bon score national, les Kurdes ont remporté à la majorité absolue (58,4 %) les élections pour le conseil provincial de Taamin, dont la ville de Kirkouk est le chef-lieu. Ce résultat constitue un avantage précieux puisque la région autonome du Kurdistan revendique cette ville multiethnique et, surtout, les champs pétrolifères qui la bordent.
Le grand perdant serait alors l’Irak unitaire. Ce serait le pire cauchemar des occupants américains. La main-mise kurde sur le pétrole de Kirkouk donnerait une réalité physique et financièrement viable à l’autonomie kurde. Le mouvement rallierait forcément, sans que les troupes américaines y puissent quelque chose, les enclaves kurdes d’Iran, de Turquie et de Syrie. Les réactions violentes des gouvernements locaux seraient inévitablement condamnées, plongeant inévitablement le Kurdistan irakien dans l’effroi… Pendant ce temps, le sud de l’Irak se placerait sous la tutelle de Téhéran, paradoxalement bien discrète en ce moment. Il est vrai que les suspicions américaines imposent à l’Iran d’agir avec discrétion. Hormis cette politique-fiction, le vrai perdant de ce premier scrutin multipartite depuis cinquante ans est le Premier ministre intérimaire, Iyad Allaoui, candidat préféré des Américains, qui ne recueille que 13,8 % des suffrages. En dépit d’importantes sommes d’argent investies dans sa campagne électorale et des billets de cent dollars généreusement distribués aux électeurs, le "Petit Saddam"— en raison de sa réputation d’homme à poigne — n’est pas parvenu à s’imposer. Il devrait logiquement céder sa place à la tête du gouvernement transitoire qui conduira les destinées du pays jusqu’aux élections de la fin de l’année, qui devraient donner des institutions définitives à l’Irak. L’actuel président intérimaire, Ghazi Al-Yaouar, ne s’en sort pas mieux, n’obtenant que cinq sièges. Tout ce que l’Irak unitaire comme solides partisans a été emporté par le tsunami chi‘ite. Même le Parti communiste qui, par le passé, constituait un bloc solide et structuré, en dépit de la répression dont il a fait l’objet du temps de Saddam Hussein, n’aura que deux députés.
Au total, 12 listes — sur les 111 qui étaient en compétition — seront représentées à l’Assemblée. Et s’il a fallu deux semaines pour connaître les résultats de ce scrutin historique, cette première expérience démocratique dans un pays déchiré par les violences se solde par un succès puisque 8 456 266 électeurs se sont rendus aux urnes, soit un taux de participation de 59 %. Certes, on est loin des 72 % annoncés avec trop de précipitation au lendemain du 30 janvier, mais ce chiffre souligne l’engouement des Irakiens pour ce rendez-vous électoral, qui devra être renouvelé avant le 15 octobre pour approuver, par référendum, la Constitution, laquelle devra être rédigée avant le 15 août. D’ailleurs, le 30 janvier sera désormais un jour férié afin de saluer cette étape décisive.
Selon les résultats définitifs du scrutin annoncés, dimanche 13 février, par la Commission électorale, la liste de l’Alliance irakienne unifiée (AIU), parrainée par le grand ayatollah Ali Al-Sistani, a obtenu 4 075 291 voix, soit 48,1 % des suffrages exprimés. Elle devrait obtenir 140 sièges sur 275 au Parlement provisoire.
L’Alliance des partis kurdes, avec 2 175 551 votes (25,7 %), arrive en deuxième position. Elle devrait obtenir 75 sièges.
La liste du premier ministre, Iyad Allaoui, n’obtient que la troisième place, avec 1 168 943 votes, soit 13,8 %, ce qui devrait lui assurer 40 sièges.
La liste du président sortant, le sunnite Ghazi Al-Yaouar, arrive en quatrième position avec 150 680 votes, soit 1,7 % des suffrages exprimés. Elle devrait obtenir 5 sièges.
Les autres sièges seront répartis entre de petites formations, notamment chiites. Le niveau le plus bas (2 %) a été enregistré dans la province sunnite d’Al-Anbar. Le dirigeant politique sunnite Adnane Pachachi, dont la liste ne devrait recueillir aucun siège au Parlement, s’est déclaré "déçu" par la faiblesse de la représentation des sunnites, qui sont massivement restés à l’écart des élections. Plusieurs responsables chiites ont affirmé qu’ils s’emploieraient à intégrer les sunnites dans les prochaines étapes du processus politique.
Le taux de participation à ce scrutin a atteint 59 %.
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George Bush félicite le « peuple irakien »

Le président américain George Bush a adressé ses félicitations, dimanche 13 février, au « peuple irakien, qui a défié les menaces terroristes et mis son pays sur les rails de la démocratie et de la liberté ». Dans un communiqué publié après l’annonce des résultats du scrutin du 30 janvier, il a également adressé ses compliments « à chaque candidat qui s’est présenté à ces élections et à ceux qui prendront leurs fonctions une fois les résultats certifiés ». « Il y a deux semaines, plus de huit millions d’Irakiens ont défié les terroristes et se sont rendus aux urnes. Le monde a vu de longues files d’attente d’hommes et de femmes irakiens participant à des élections libres et équitables pour la première fois de leur vie », poursuit-il. Les Etats-Unis et leurs « partenaires de la coalition » peuvent « ressentir de la fierté d’avoir rendu ce grand jour possible ». Le sénateur démocrate Joe Biden, membre de la commission des affaires étrangères, a estimé pour sa part que, compte tenu de la faible participation des sunnites, il allait falloir « intégrer plus de sunnites à la rédaction de la Constitution pour que ce texte ait une légitimité ». (Reuters.)

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