26.4.05

La meilleure armée du monde

Les illusions de la « guerre sur CNN » nous ont fait oublier un fait des plus importants quant à la science militaire. Et tous les théoriciens, experts en Dufourologie ou autre, qui pronostiquèrent une nouvelle forme de combats, urbains cette fois, en semblent pour leur frais. Les événements d’Irak, loin de se focaliser sur une « sniper alley » comme à Sarajevo, montrent combien la « petite guerre », ou guérilla, reste d’actualité. Qu’il s’agisse d’asymétrie, l’affrontement opposant deux parties de puissance inégale, comme une réédition du combat de David contre Goliath, ou de basse intensité, la conflagration ne nécessitant pas l’utilisation de moyens particuliers (le rôle de l’aviation ou de la marine est résiduel en Irak depuis le 1er mai 2003), la guerre actuelle reste des plus classiques possibles. Certes, elle ne s’apparente à aucun des conflits précédents, mais elle en empruntent de nombreux critères.
Pourtant, les planificateurs semblent négliger ces considérations. Ils préparent les troupes comme s’ils devaient affronter un conflit majeur et les envoient au combat avec un équipement léger. La Company E, qui appartient au fameux bataillon, le second de la First Marine Division, surnommé « the Magnificent Bastards », a passé les six premiers mois de 2004 à Ramadi et perdu un tiers de ses cent quatre-vingt-cinq hommes, essuyant les plus lourdes pertes de l’armée américaine depuis le début des opérations en Irak. Ces marines, basés à Camp Pendleton en Californie du sud, ont dû affronter vingt-six situations de combat, quatre-vingt-dix attaques de mortier et plus de quatre-vingt-dix bombes artisanales. Pour se défendre et, surtout, se protéger, ils ne disposaient, comme tout combattant, que des seules ressources de l’ingéniosité humaine, puisque l’armée n’y pourvoyait pas.
D’après le Pentagone, la cause du décès de mille cinq cents soldats américains réside dans leur insuffisante protection. On se souvient tous de ce marine interpellant Don Rumsfeld, secrétaire à la Défense, sur les conditions de vie des troupes dans cet environnement hostile. C’était en pleine campagne pour la réélection de George W. Bush. La question avait vite été évacuée et, depuis, rien n’a changé. La Company E a ainsi perdu treize hommes alors qu’ils roulaient à bord de Humvees qui ne les protégèrent pas des balles ou des bombes. Le Congrès des Etats-Unis est toujours en train de chercher comment réglé ce problème. Jeudi dernier, le Sénat a enfin voté un supplément de crédit de 213 millions de dollars pour acheter des Humvees mieux blindés. Le mois dernier, la publication des déclarations d’officiels des Marines lors d’audition au Congrès montre que le Corps des marines a décidé de lancer son propre programme d’équipement de ses deux mille huit cents Humvees utilisés en Irak.
Sur le terrain, la Company E devait assurer sa mission avec deux Humvees non blindés, hérités de la National Guard, qui occupait Ramadi avant les Marines, et trois camions. La situation était calme alors, mais les marines reçurent l’ordre d’en finir avec la guérilla, qui utilisait cette capitale provinciale comme étape entre Falluja et Bagdad. Le bataillon disposait d’un Humvee chargé d’électronique pour bloquer les déclenchements à distance de charges explosives lors du passage des convois. La Company E n’en avait pas… Il ne lui restait plus que l’exploration visuelle et l’explosion pour détecter les bombes. Là encore, l’improvisation et l’adaptation permettaient de dominer la situation. Un nouveau crève-cœur dirait le sergent artilleur Tom « Gunny » Highway…

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