27.4.05

Washington reconnaît le nouveau gouvernement équatorien

AMÉRIQUE LATINE Après le départ de Lucio Gutierrez

Lamia Oualalou
[Le Figaro, 27 avril 2005]

En reconnaissant, hier, la légalité du nouveau gouvernement équatorien, dirigé par le cardiologue Alfredo Palacio depuis la destitution de Lucio Gutierrez mercredi dernier, les Etats-Unis ont donné un coup d'envoi qui devrait obliger l'Amérique latine à se déterminer.
Jusqu'à hier, aucun pays de la région n'avait officiellement repris langue avec les autorités équatoriennes, dont la légitimité est, dans les formes au moins, très contestable. Réfugié au Brésil, Lucio Gutierrez a ainsi rappelé que seuls 62 députés sur 100 étaient présents pour voter la fin de son mandat, quant les textes exigent un quorum de 67.
La décision américaine de passer outre ce «détail» constitutionnel s'explique par le souci de voir la situation s'apaiser dans le cinquième pays exportateur de pétrole de l'Amérique du Sud, et le second vers les Etats-Unis, après le Venezuela. La Maison-Blanche a d'ailleurs dû être tranquillisée par les promesses de la nouvelle équipe équatorienne de poursuivre les négociations du traité de libre-échange en cours depuis des mois.
Le contexte est différent pour les pays d'Amérique latine. Ils craignent tout d'abord de se tromper en pariant trop vite sur Alfredo Palacio. «Il y a beaucoup d'inconnues, comme le rôle à venir des Indiens, qui, pour la première fois, n'ont joué aucun rôle dans ce renversement», pointe Julie Massal, professeur à l'Université nationale de Colombie et spécialiste de l'Equateur.
Si le nouveau gouvernement ne parvient pas à intégrer des membres de la communauté indigène, soit 40% de la population, il court au désastre. Surtout, Lima, La Paz, Caracas ou Asuncion ne peuvent accepter à la légère cette valse des présidents organisée par une foule en colère alliée à une poignée de députés et d'officiers : elles savent que l'histoire est susceptible de se répéter sur leurs terres, Lucio Gutierrez étant le douzième président démis de la région depuis 1992.
Comme souvent, Hugo Chavez a joué son rôle de poil à gratter en comparant l'épisode équatorien à la tentative de coup d'Etat dont il a été victime en avril 2002. Dans les deux cas, une partie de l'armée s'était affranchie du pouvoir des autorités, au nom du peuple : «Qui dit que les forces armées ont la faculté de retirer leur appui à un président ? Elles doivent être soumises aux forces démocratiques. Cela ne donne lieu à aucune discussion !»
Le président vénézuélien oublie bien à propos qu'il est l'auteur d'un coup d'Etat échoué en 1992. Néanmoins, il formule à voix haute l'inquiétude de nombreux de ses voisins, alors que la région est incapable de se doter d'une institution multilatérale capable de jouer les médiateurs en cas de conflit. L'Organisation des Etats américains (OEA, 34 pays du Canada à l'Argentine) vient une nouvelle fois de prouver son inutilité en annonçant l'envoi d'une mission «dans l'urgence». Elle est attendue à Quito aujourd'hui, une semaine après la destitution de Gutierrez.

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