16.6.06

L'armée américaine aurait identifié le successeur de Zarkaoui à la tête d'Al-Qaida en Irak

Huit jours après la mort d'Abou Moussab Al-Zarkaoui, chef d'Al-Qaida en Irak, le Pentagone et les services de renseignement américains pensent avoir identifié son successeur. Au début de la semaine, plusieurs sites Internet islamistes ont annoncé qu'Abou Hamza Al-Mouhajer prenait la tête d'Al-Qaida en Irak, ce qui semblait contredire les propos de militaires américains estimant que le remplaçant le plus probable de Zarkaoui était un Egyptien connu sous le nom d'Abou Ayoub Al-Masri. Or le général William Caldwell, porte-parole de l'armée américaine à Bagdad, a estimé, jeudi 15 juin, lors d'une conférence de presse, avoir des raisons de croire "qu'Al-Mouhajer et Al-Masri sont probablement une seule et même personne".



Le Pentagone a diffusé une photographie d'Al-Masri. Abou Hamza Al-Mouhajer, dont aucun service de renseignement ne semble connaître l'existence, serait un nom d'emprunt, signifiant "l'émigrant" en arabe. Ce serait un moyen d'indiquer qu'il ne s'agit pas d'un Irakien. Zarkaoui, lui, était jordanien. "C'est un pseudonyme qui permettra à Al-Qaida en Irak de nier à l'avenir que son chef a été tué", estime Moustafa Alani, spécialiste du terrorisme au Gulf Research Center.
La Maison Blanche reste prudente. "Nous ne sommes pas certains qu'Al-Masri soit la personne qui va diriger l'organisation. Il y a encore une certaine incertitude, il nous faudra un peu de temps", a estimé Stephen Hadley, conseiller pour la sécurité nationale, tout en reconnaissant qu'Al-Masri "est clairement un dirigeant important" d'Al-Qaida.
"Nous savons qu'avant la mort de Zarkaoui, Abou Ayoub Al-Masri était son numéro deux", a déclaré le général Caldwell. Il serait venu en Irak début 2003 "pour créer la première cellule d'Al-Qaida dans la région de Bagdad". Il serait lié au bras droit d'Oussama Ben Laden, Ayman Al-Zawahiri, lui aussi égyptien, et a appartenu à partir de 1982 à son mouvement, le Djihad islamique, qui a fini par fusionner avec Al-Qaida.
Abou Moussab Al-Zarkaoui et Abou Ayoub Al-Masri se seraient rencontrés dans le camp d'entraînement Al-Farouk, en Afghanistan, en 1999 ou en 2000. Abou Ayoub Al-Masri y était instructeur, spécialiste des explosifs. Il aurait le même âge que Zarkaoui, mort à 38 ans. Abou Ayoub Al-Masri aurait joué un rôle important dans la fabrication de voitures piégées à Fallouja, puis se serait installé au sud de Bagdad pour diriger Al-Qaida dans cette région. Le commandement américain offre une prime de 200 000 dollars pour des informations menant à Masri, mais cherche à éviter d'en faire une icône, comme l'était devenu Zarkaoui.

INFORMATIONS IMPORTANTES

D'autres noms de possibles chefs d'Al-Qaida en Irak ont été cités par l'armée américaine, parmi lesquels les Irakiens Abdallah Ben Rashed Al-Baghdadi, qui se trouve à la tête du Conseil des organisations insurgées, et Abdel Rahman Al-Iraqi. Le Pentagone aurait récupéré des informations importantes sur Al-Qaida en Irak la veille et le jour de l'attaque contre Zarkaoui. Le conseiller à la sécurité du gouvernement irakien, Mowaffaq Al-Rubaie, les a qualifiées de "trésor". Elles comprendraient des disques durs informatiques, un ordinateur portable et de nombreux textes. Ces renseignements auraient permis de déterminer l'organisation du réseau, les noms de ses dirigeants, les armes dont il dispose et sa façon d'opérer.
Dans une déclaration attribuée en début de semaine par des sites Internet islamistes à Abou Hamza Al-Mouhajer, le chef d'Al-Qaida en Irak promet de poursuivre la stratégie de Zarkaoui. Il affirme aussi son allégeance à Oussama Ben Laden : "Nous sommes tous sous votre bannière. Avec l'aide de Dieu, la victoire est proche. Nous attendons votre signal et suivons vos ordres, et vous apportons la bonne nouvelle que le moral est élevé parmi nos soldats."
Un rapport du Pentagone, rédigé avant la disparition de Zarkaoui et intitulé "Mesurer la stabilité et la sécurité en Irak", insiste sur le risque de voir l'influence d'Al-Qaida grandir si le gouvernement irakien ne met pas rapidement fin aux affrontements interconfessionnels. Al-Qaida ne peut s'implanter en Irak sans l'aide des sunnites. Selon le rapport, les efforts pour détacher l'organisation djihadiste de cette communauté ont jusque-là échoué. "Les groupes irakiens opposés à Al-Qaida manquent d'organisation, d'argent, d'entraînement et de soutien populaire", indique le document.

Eric Leser
Article paru dans l'édition du 17.06.06

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