23.3.05

Fin de partie à Beyrouth

Le printemps libanais n’en finit pas de se terminer. Deux personnes, un Indien et un Pakistanais, ont été tuées et trois autres, deux Sri Lankais et un Libanais, blessées lors de l’explosion d’une bombe cette nuit à Kaslik, au nord de la capitale libanaise. L’explosion, due à une bombe de forte puissance, s’est produite dans un grand centre commercial de Kaslik, près du port de Jounieh, à une vingtaine de kilomètres au nord de Beyrouth. Plusieurs boutiques, une boîte de nuit et un centre d’amusement, fermé mardi, se trouvent dans la galerie, qui était quasi-déserte au moment de l’attentat, commis vers un heure et demie locale. Le centre commercial a été ravagé par la force de l’explosion qui a provoqué d’importants dégâts dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Il s’agit du deuxième attentat en cinq jours. Dans la nuit de vendredi à samedi, un attentat à la voiture piégée avait fait une dizaine de blessés dans un quartier commerçant et chrétien de la banlieue nord de Beyrouth.
Plusieurs députés ont aussitôt dénoncé ce qu’ils considèrent comme un acte destiné à déstabiliser le Liban. « Ce nouvel attentat vise à porter atteinte au soulèvement pour l’indépendance et la souveraineté du Liban », a déclaré l’ancien ministre et député de l’opposition anti-syriennne; Fares Boueiz, à la LBCI. « Il s’agit d’un message politique qui nous est adressé. Il est clair que celui qui a commis cet attentat veut déstabiliser le Liban. C’est la sécurité des gens qui est visée (…) mais il ne faut pas tomber dans le piège » des fauteurs de trouble, a-t-il ajouté. « On se croirait à Falloujah, pas au Liban », a pour sa part affirmé le député Mansour al Boun, également accouru sur les lieux de l’explosion. Un troisième parlementaire Naamatallah Abi Nasr a lancé : « J’accuse les adversaires du Liban, et je dis : ça suffit comme ça ». Le député Farid al Khazen a réclamé « la démission » des responsables des services de sécurité au Liban.
Il fallait naturellement s’attendre à cette flambée de violence. L’attentat qui avait coûté la vie à l’ancien Premier ministre portait en lui les germes d’une stratégie de la tension, pour ne pas parler d’une possible reprise de la guerre civile. Cette tragédie libanaise, qui n’est pas sans rappeler la situation du milieu du XIXe siècle, appelle quelques commentaires. Certes, la main de l’étranger est impliquée dans la tournure des événements. En 1840 et 1860, il s’agissait des Anglais, qui dressaient par leur effort de propagande et d’argent les Druzes et les Maronites. Aujourd’hui, qui avait le plus à tuer Rafic Hariri ? Pas la Syrie, qui ne savait que trop qu’elle serait accusée de ce crime. Qui a le plus à procéder aux attentats aujourd’hui ? Pourquoi pas la Syrie, dont la justification de sa présence était justement le maintien de la sécurité ? Or, le redéploiement de ses troupes dans le nord du pays du Cèdre est presque achevé…
Sans sombrer dans une absurde théorie du complot, il est clair qu’une main invisible a joué avec le peuple libanais. Laquelle ? Les Etats-Unis, Israël et la France, pour ne retenir que ces puissances, avaient tout intérêt à ce que la Syrie quitte le Liban. Mais Rafic Hariri était de loin leur interlocuteur privilégié. L’Iran n’avait aucune raison de remettre en cause, par ce genre d’action, la position du Hizb‘allah, véritable Etat dans l’Etat libanais. Sinon à vouloir desserrer la pression internationale autour de sa politique nucléaire ! Les Libanais eux-mêmes, autour du président Emile Lahoud, c’est plus probable. Ses relations avec Rafic Hariri étaient loin d’être bonnes et la puissance de nuisance du milliardaire libanais était apparemment sans borne. La dérive mafieuse du régime peut autoriser ce genre de spéculations…

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