28.3.05

Troisième attentat en une semaine à Beyrouth

LE MONDE | 28.03.05 | 14h20  •  Mis à jour le 28.03.05 | 14h20

Moins de vingt-quatre heures après un attentat à la voiture piégée, le troisième en l'espace de huit jours, dans la partie à écrasante majorité chrétienne du Grand Beyrouth, une rumeur courait, dimanche 27 mars, dans la capitale libanaise, selon laquelle le président de la République, Emile Lahoud, serait prêt, pour sauver le pays, à satisfaire l'une des demandes intangibles de l'opposition : démettre de leurs fonctions les chefs des services de renseignement et de sécurité.
Certains Libanais voient dans cette rumeur le souffle de la présidence de la République, désireuse de tester les réactions des opposants, dont une partie au moins réclame la démission de M. Lahoud, reconduit pour trois années supplémentaires dans ses fonctions en septembre 2004 sur ordre de la Syrie, en violation de la Constitution.
Deux quotidiens et une chaîne de télévision ont cru pouvoir lire les intentions présidentielles dans des déclarations de M. Lahoud, qui s'est engagé à infliger les sanctions les plus sévères à tout coupable, fût-ce par négligence, de l'assassinat le 14 février de l'ancien premier ministre, Rafic Hariri. Ces déclarations étaient consécutives à la publication, jeudi, d'un rapport accablant pour lesdits services, élaboré par la commission chargée par l'ONU d'établir les causes et les circonstances de l'assassinat.
Un moment déstabilisées par ce rapport, les autorités libanaises se sont ressaisies et se sont engagées à coopérer avec l'ONU. Le document a apporté de l'eau au moulin des opposants et d'une majorité de Libanais, en pointant les carences et les manipulations des autorités compétentes après l'assassinat de l'ancien premier ministre, et en recommandant entre autres leur mise à l'écart et la constitution d'une commission d'enquête internationale sur cette affaire.
Mais l'espoir des Libanais de voir désigner les commanditaires et les auteurs de l'assassinat de Rafic Hariri est édulcoré par les actes terroristes qui se succèdent à un rythme soutenu. L'attentat du samedi 26 mars a fait six blessés et des dégâts matériels importants, dans une zone industrielle des faubourgs nord-est de Beyrouth. Les deux précédents, dont un contre un centre commercial de la localité de Kaslik, au nord de la capitale, avaient fait trois tués et une dizaine de blessés.
Ces attentats ont eu pour première conséquence de paralyser l'activité commerciale, déjà très ralentie par les mouvements populaires et de grève consécutifs à l'assassinat de Rafic Hariri. Bien qu'ils aient pris pour cible les zones à majorité chrétienne, dans le but vraisemblable de relancer les dissensions communautaires, ces actes terroristes n'ont pas eu d'incidence sur le mouvement contestataire pluriconfessionnel qui s'est déclenché le 14 février.

"POUVOIR OCCULTE"

Les manifestants de la place des Martyrs continuent leur sit-in nocturne quotidien. Samedi soir, ils ont formé avec leurs corps la reproduction des traits de l'ancien premier ministre assassiné. Lundi 28 mars, ils devaient organiser un sit-in en tenue blanche, symbole de la paix.
La chaîne de télévision arabe Al-Jazira a affirmé que des menaces d'attentat sont parvenues au standard de l'immeuble qui, au coeur de Beyrouth, abrite ses bureaux et ceux d'autres organes de presse. Ce n'est pas une première.
Il y a peu de temps, la chaîne de télévision Al-Arabiya avait été traînée dans la boue par le quotidien syrien Techrine, qui l'accusait de faire le jeu des plans antisyriens des Etats-Unis. Son correspondant à Beyrouth avait par ailleurs reçu des mises en garde anonymes. Futur TV, la télévision de feu Rafic Hariri, avait, d'autre part, fait l'objet d'une campagne de diffamation lancée par un "pouvoir occulte" que dénoncent sans relâche les opposants et qu'incarnent selon eux les "services" syriens et libanais.
Mouna Naïm
Article paru dans l'édition du 29.03.05

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