Aussi étrange que cela puisse paraître, le vote du Parlement irakien issu des élections du 30 janvier représenté la plus sûre solution d’un maintien de l’unité nationale irakienne. En effet, en élisant, mercredi 6 avril, le Kurde Jalal Talabani au poste — largement honorifique — de chef de l’Etat, les députés irakiens ont fait montre d’une balle unanimité. Le vote a été acquis par deux cent vingt-huit voix sur deux cent soixante-quinze. Dix-huit députés étaient absents, vingt-neuf ont voté blanc. L'ancien peshmerga est entouré de deux vice-présidents, le sunnite Ghazi Al-Yauar — le président sortant par intérim — et le chi‘ite Adel Abdul Mahdi — le ministre des finances sortant —, avec lesquels il compose le Conseil présidentiel. Ce dernier est chargé de désigner un Premier ministre qui formera ensuite son gouvernement. Le dirigeant chiite islamiste Ibrahim Jâfari devrait succéder à Iyad Allawi.
Ces choix reflètent bien entendu les résultats des dernières élections, couronnant le succès des « minorités » de l’époque précédente, chi‘ite et kurde. Mais ces deux factions ont tenté d’inclure des représentants de la minorité sunnite, prédominante en Irak du temps de Saddam Hussein, mais marginalisée après avoir en grande partie boycotté le scrutin du 30 janvier. Le nouveau Parlement ne compte que dix-sept élus sunnites, sur un total de deux cent soixante-quinze. C’est donc bien une « représentation nationale », inspirée par le Pacte national libanais, même si la Constitution est d’essence nord-américaine.
Le choix de Jalal Talabani est toutefois un signe fort à destination des tenants de l’intégrité territoriale irakienne. L’homme n’est pas un nationaliste kurde farouche, mais le pur produit de l’éducation irakienne. N’a-t-il pas passé plus de temps à combattre son coreligionnaire Massoud Barzani que Saddam Hussein ? La réconciliation des deux hommes n’a été permise que sur insistance américaine, quelque temps avant l’invasion. N’a-t-il pas permis une autonomisation du Kurdistan après 1991, en accord avec le régime en place aussi bien qu’avec l’aviation américaine ? Le marché inter-kurde qui lui vaut aujourd’hui sa présidence laisse à son vieil ennemi intime ce gouvernement régional. Les ambitions sont apaisées et plus rien ne s’oppose à un éclatement de l’Irak.
D’ailleurs, la question des nationalités et des modifications de frontières n’est pas à l’ordre du jour, ni côté américain, ni côté guérilla. Certes, de nombreux Irakiens ont reproché aux hommes politiques d'avoir trop tardé à former un gouvernement, certains responsables affirmant même que ce retard avait profité aux insurgés. Mais il n’a pas été question de créer une zone autonome chi‘ite, et encore d’accorder l’indépendance au Kurdistan On s’achemine plutôt sur une structure fédérale, inédite en terre arabe mais tout droit sortie de cerveaux néo-conservateurs américains. Toutefois, ce fédéralisme semble prendre un tour plutôt confessionnalisme libanais, plus conforme à l’esprit local, mâtiné, qu’on le veuille ou non, d’idéologie et de pratiques ba‘asistes.
L’Irak n’est pas la Tchécoslovaquie, formée à la hâte au sortir de la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’une vielle construction ottomane qui ne comprend pas la question nationale comme en Occident.
7.4.05
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