1.4.05

Le printemps libanais sur France-Culture

LE MONDE | 01.04.05 | 14h46  •  Mis à jour le 01.04.05 | 15h44
Beyrouth de notre envoyé spécial

Sa mort aura peut-être été plus utile que sa vie", nous dit Iman Younes, sociologue, auteure de Villes à vif (Verticales). La jeune femme figure parmi les invités de la semaine que France-Culture consacre au Liban. Elle parle bien sûr de la mort de Rafic Hariri, ex-premier ministre victime, le 14 février, avec 17 autres personnes, d'un attentat à la bombe qui a aussi fait quelque 200 blessés. Le cratère de l'explosion reste aujourd'hui béant, devant l'hôtel Saint-Georges, jadis haut lieu de la vie mondaine beyrouthine, dévasté lors de la guerre civile qui ravagea le pays quinze ans durant (1975-1990) et dont les conséquences restent redoutables.
Paradoxalement, la déflagration du 14 février a provoqué un espoir. Les Libanais se sont retrouvés près d'un million dans le centre de Beyrouth, chrétiens et musulmans sunnites, pour protester contre l'assassinat, exiger le départ de l'armée syrienne et réclamer une nouvelle donne politique. Malgré la crainte de nouveaux attentats (trois, depuis le 14 février), musulmans et chrétiens continuent, ensemble, de défiler sur la tombe de Hariri. Des représentants de la société civile ont eu un rôle dans ce "printemps libanais", et dans la remise en cause du confessionnalisme qui fonde les partis politiques et la vie sociale en général. Intellectuels, artistes, militants entendent desserrer le carcan qui empêche la modernisation du pays.

"CHANGEMENT EN TOUT"

L'aspect culturel du mouvement populaire justifie donc l'opération de France-Culture - prévue avant la mort de Hariri, précise Laurence Bloch, directrice adjointe de la radio -, semblable à ce que France-Culture a réalisé à Sarajevo, en Algérie, au Sénégal ou au Mali. Depuis lundi 28 mars, "La nouvelle fabrique de l'histoire", "A voix nue", "Les chemins de la connaissance", "Mémorables", "Double culture" et "Surpris par la nuit" ont été quotidiennement voués au Liban. Et samedi 2 avril, "Concordance des temps" et "Le bien commun". Dimanche seront rediffusées deux émissions, l'une sur le poète Khalil Gibran, l'autre sur les réfugiés palestiniens au Liban. Plus tard, Emmanuel Laurentin diffusera une "Promenade historique dans Beyrouth" sur les traces de la guerre, pour le 30e anniversaire de son déclenchement, le 13 avril 1975.
Mais l'événement de la semaine aura lieu samedi 2 avril, en direct de 15 à 18 heures. Lors de "Radio libre", Laurence Bloch et Marc Kravetz présenteront "Un printemps au Liban". Pour expliquer l'actualité et évoquer l'avenir. Des hommes politiques tels que Marwan Hamadé, député de l'opposition, ancien ministre, Samir Frangié, auteur du "Manifeste de Beyrouth" l'an dernier, et Hussein Hassan, député du Hezbollah, se confronteront à des universitaires, à la cinéaste Danielle Arbid et à un militant écologiste, Ziad Moussa, entre autres.
Le débat est prometteur. Ziad Moussa interpelle les "politiciens", qu'il accuse de vouloir "se faire un lifting" en profitant d'un mouvement "essentiellement animé par la société civile". Ce trentenaire leur reproche de n'avoir "pas de vision pour demain" et de s'apprêter à "jouer une nouvelle partie avec d'anciennes règles". Ce chrétien qui a dû se marier à Chypre pour épouser une musulmane voit leur démarche relever davantage du "confessionnalisme" que du "professionnalisme".
Parmi les musiciens, les jeunes Soap kills devraient intervenir dans le même sens. Yasmine est chiite, Zeid est druze. Tous deux modernisent avec succès des chansons arabes anciennes. Souvent avec ironie. "Nous voulons le changement en tout", dit Zeid. Ce lutin malicieux, qui voudrait qu'"on fasse l'amour" en écoutant ses créations, prône le "métissage" en musique mais pas seulement... Et d'affirmer : "Le mouvement populaire actuel et notre expression artistique qui secoue les convenances, tout ça, c'est lié".

Francis Cornu
Article paru dans l'édition du 02.04.05

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