1.4.05

Ces malades qui nous gouvernent…

Difficile aujourd’hui de ne pas évoquer ce cortège de mourants et de morts qui peuplent l’actualité de ce 1er avril. De l’agonie sans fin du Souverain Pontife à celle du Prince Rainier de Monaco, en passant par l’annonce de l’atroce, mais finalement bienvenu, décès de Terry Schiavo, on ne peut qu’être frappé par cette individualisation de la mort. Jamais pendant toute la couverture du tsunami, ni même il y a deux jours lors du tremblement de terre en Indonésie, les médias n’avaient mis en scène la mort de cette façon. Il est vrai que la couverture des catastrophes naturelles, comme des accidents et des attentats, intervient a posteriori. Dans les trois cas qui occupent l’actualité, la mort annoncée est ponctuée par des bulletins médicaux, par des injonctions de justice et des décisions politiques même dans le cas de la jeune américaine plongée dans le coma depuis quinze ans.
Indéniablement, cette médiatisation renvoie à la peur de nos sociétés occidentales face à la fin de vie. Mais ces trois cas renvoient aussi à des questions politiques. La mort du Pape pose celle de l’acharnement d’un vieil homme à rester au pouvoir, au nom d’une certitude missionnaire. De fait, le Saint-Siège est en panne depuis 1995, assistant avec impuissance à la promotion d’une politique conservatrice, reposant moins sur le dogme catholique que sur sa compréhension par deux personnes âgées, Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger, et la séduction qu’elle offre sur des milliers d’anti-libéraux viscéraux de par le monde.
L’illustration la plus parfaite de cette dérive areligieuse du christianisme, dans ce climat de repli d’un Occident rêvé — que certains voient tout droit sorti du XIIe siècle —, est le sort fait à Terry Schiavo : d’un côté le mari, qui souhaite que l’on abrège la souffrance d’une épouse devenue une absente dans son propre corps, de l’autre des parents, qui ne veulent se résoudre à perdre leur fille, et au milieu tout ce que les Etats-Unis peuvent offrir d’incompréhensible, de la justice qui ne peut se résoudre à autoriser l’euthanasie et laisse mourir de faim la jeune femme à ces militants pro-life, prêtres, mystiques, parlementaires et jusqu’au président Bush qui s’acharnent à promouvoir la vie jusque dans des retranchements où elle a déjà abandonné le combat.
Et puis il y a Rainier, prince régnant d’une principauté de carton-pâte qui s’en va comme il a toujours vécu, dans la discrétion, alors que ses enfants n’ont offert qu’exubérance depuis la mort de la princesse Grace en 1982. Il s’en allait même presque sans bruit, avant que la rumeur, alimentée par les doutes à propos de la gestion médiatique du bureau de presse du Vatican de la maladie du Souverain Pontife, ne se laisse aller à croire en la mort du souverain monégasque.
Une douce folie people envahit soudain l’opinion publique. Mais pendant ce temps la mort continue de frapper en Irak, en Afghanistan, au Darfour…

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