Après l’affaire des Corans de Gismo, il fallait pour la communication américaine trouver un dérivatif à l’attention des Américains et, passant, du reste du monde. L’objectif est de faire en sorte que l’image des Etats-Unis s’améliore dans le monde, et particulièrement à travers le monde arabo-musulman. Pour cela, les communicants des officines de la Maison-Blanche, du Pentagone et du State Department disposent d’une large panoplie. La guerre contre le terrorisme, l’Irak forment de puissants viviers où ils trouvent forces arguments pour détourner l’attention d’une opinion publique mondiale qui se cherche, mais qui existe déjà pour la diplomatie publique américaine.
Cette fois, la réponse à l’erreur de communication américaine porte sur l’Irak. L’attaque aérienne de Washington par un Cessna, qui avait pourtant tenu en haleine les télévisions du monde entier, en attente d’un nouveau 11-Septembre, n’avait pas vraiment convaincu. Pourquoi ne pas annoncer la mort de Bin Laden ? Il est discret depuis trop longtemps pour que cela soit vraiment crédible. Reste Zarqawi, le sanguinaire guérillero jordanien actif en Irak. Plus temps que cela si l’on regarde de plus près. Les otages ne sont plus décapités, grâce à l’action de GI Joe sur Internet ; depuis le faux enlèvement de cette poupée-soldat, véritable blague de potache, les massacres vidéos ont cessé. Les otages sont maintenant libérés, exception faite de Florence Aubenas et Husayn Hanûn al Saadi, mais ils sont retenus par des malfrats.
Que faire de Zarqawi ? Le tuer ? Trop risqué ! Le blesser ? Plus vraisemblable, d’autant que cela laisse l’opportunité de le tuer réellement. Depuis des semaines, les militaires américains et irakiens affirment qu’il a été blessé près de Ramadi. Mais l’annonce ne peut être le fait de l’armée américaine, et encore moins du gouvernement irakien, incapable d’assurer la sûreté de ses policiers… Internet est le moyen le plus habile pour faire passer ce genre de message, qui ne tardera pas être repris par les médias et les politiques pour le transformer en information. Mardi, la nouvelle annonçant que le chef islamiste jordanien Abu Musab al Zarqawi, responsable de la branche irakienne d’al Qaïda, aurait été blessé commence à circuler. Un communiqué est placé sur un site Internet proche de l’organisation de Zarqawi ; naturellement, il n’est pas authentifié avec certitude par les services américains. Il est signé de la « département de la communication » d’al Qaïda en Mésopotamie, comme c’est le cas, parfois plusieurs fois par jour, pour revendiquer l’attaque d’un convoi américain ou un explosion suicide. Les signataires sont les mêmes. Seulement, depuis des mois, les mouvements clandestins islamistes n’utilisent plus vraiment ce moyen de communication, trop exposés aux cybernétiques américaines.
Pourtant, jeudi, l’information commence à s’établir. Des communiqués se bousculent sur le Web. Ils sont contradictoires, l’un annonçant le nom d’un remplaçant intérimaire, un autre démentant l’information. Lors d’une conférence de presse à Bagdad, le ministre de l’Intérieur irakien, Bayane Baqer Sulagh, était très affirmatif sur la blessure de Zarqawi : « Nous avons reçu il y a cinq jours des informations indiquant que Zarqawi a été blessé mais nous ne connaissons pas la gravité de ses blessures »,.
L’enchaînement des communiqués d’hier montre que l’information n’est peut-être pas aussi erronée que l’on pourrait le penser., mais l’origine de sa diffusion est résolument américaine. De Londres, al Hayat rapporte que « de source proche de l’Organisation al Qaïda en Mésopotamie, il paraît que les communiqués diffusés sur Internet ces derniers jours et selon lesquels Zarqawi, Ahmad al Khalayilat de son vrai nom, a été gravement blessé, seraient authentiques. » Le quotidien panarabe a également pris contact avec « des partisans et des proches de Zarqawi en Jordanie, qui ont confirmé que le chef d’al Qaïda en Irak avait été blessé et ont signalé que le premier communiqué signé du département de l’information de l’Organisation al Qaïda en Mésopotamie équivalait à ‘une annonce provisoire afin de préparer le terrain à l’annonce de la mort de Zarqawi’ »
Pour autant, le premier communiqué annonçant qu’Abu Fahs al Qarni avait été déclaré « représentant des moudjahidin » et le second, démentant l’information et précisant que « toutes analyses faites à propos de la blessure de notre chef sont erronées », n’émanent pas de la même personne. L’objectif d’une telle opération est autant stratégique que tactique. Il faut d’une part détourner l’attention, mais également semer le doute dans l’Organisation al Qaïda en Mésopotamie, attiser les querelles de personnes. Toutefois, al Hayat accompagne ses informations de réserves et cite des « observateurs jordaniens qui conseillent la prudence et attirent l’attention sur le fait que la famille d’Abu Musab al Zarqawi n’a pas été prévenue de la mort de ce dernier. Or il est de coutume que, lors de la mort en Irak d’un Jordanien appartenant à al Qaïda, ses parents soient prévenus avant que cela ne soit rendu public. »
27.5.05
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