Le président pakistanais, les Premiers ministres chinois et japonais, le secrétaire général de l’ONU ne forment qu’une partie de la liste des dirigeants étrangers reçus durant le seul mois d’avril à New Delhi. Dans le même temps, le premier ministre indien, Manmohan Singh, s’est rendu en Indonésie pour le sommet afro-asiatique, où il a rencontré plusieurs chefs d’Etat, puis à Moscou, le 9 mai, invité par le président Vladimir Poutine pour les cérémonies marquant le 60e anniversaire de la victoire de 1945. En juillet, M. Singh se rendra à Londres, invité du sommet du G8, dont le Royaume-Uni prend la présidence le 1er juillet, avant de s’envoler pour Washington.
L’image de l’Inde change. Les grands de ce monde ne courtisent pas le pays pour ses trois cents millions de pauvres, pour ses millions de porteurs du sida ou pour ses milliers de villages qui attendent encore l’eau et l’électricité. Ils viennent à la recherche de marchés, d’une main-d’œuvre qualifiée et peu coûteuse, d’un pays qui par sa dimension (3 291 000 km2) et sa population (1,08 milliard d’habitants) est appelé à jouer un rôle sur la scène mondiale.
Soucieuse de pacifier ses frontières au moment de sa conquête économique planétaire, la Chine vient aussi de signer avec l’Inde « un partenariat stratégique pour la paix et la prospérité ». Washington en a fait de même passant par la vente d’avions de combat, de systèmes de missiles, de réacteurs nucléaires civils. Mais il reste suspendu à des concessions que New Delhi peine à prendre. Aussi les Etats-Unis viennent-ils de menacer d’imposer des sanctions économiques contre l’Inde, si cette dernière poursuivait la coopération avec l’Iran dans la construction d’un gazoduc entre les deux pays, a rapporté dimanche le journal indien « Pioneer ». Dans une lettre adressée récemment au ministère indien des Affaires étrangères, l’administration américaine a déclaré que les Etats-Unis pourraient se conformer à la loi d’Amato, qui interdit aux entreprises étrangères d’investir dans le secteur énergétique en Libye et en Iran. La loi américaine accuse toujours l’Iran et la Libye de « soutien au terrorisme », et prévoit des sanctions économiques, commerciales et financières contre les entreprises étrangères coopérant avec ces deux pays dans le domaine énergétique. L’Inde envisage de signer des contrats avec l’Iran et le Pakistan sur la construction d’un gazoduc de deux mille six cents kilomètres pour transporter du gaz naturel depuis l’Iran vers l’Inde, en passant par le Pakistan, a rapporté le journal.
Ennemi traditionnel, le Pakistan est prêt à plus ou moins accepter les conditions de l’Inde pour un règlement des contentieux — le plus important reste le Cachemire. Le ministre pakistanais de l'Information et de la Radiodiffusion, cheikh Rachid Ahmed, a déclaré mardi que la position de son pays sur la question du Cachemire restait inchangée, à savoir que la solution à ce litige réside dans la mise en œuvre des résolutions pertinentes des Nations unies. S'adressant aux journalistes, le ministre a indiqué que le Pakistan devrait faire preuve de flexibilité sur cette question, pour peu que l'Inde en fasse autant. Il n'y a pas eu de volte-face dans la politique pakistanaise sur le Cachemire, a-t-il affirmé catégoriquement, ajoutant qu'un règlement durable de ce problème devrait prendre en compte les trois parties concernées, Inde, Pakistan, et Cachemire.
En l’absence de percée, les deux parties se contentent pour le moment de mettre l’accent sur leurs relations économiques. Elles ont convenu d’augmenter le volume de leurs échanges bilatéraux. En quatre ans, il est déjà passé de cent soixante et un million de dollars à quatre cent quatre-vingt-trois millions à la fin de l’année fiscale qui s’est achevée en mars. Le voyage du ministre indien Mani Shankar Aiyar à Islamabad début mai portait sur le projet de gazoduc avec l’Iran. Encore au stade préliminaire, il est l’exemple même du renouveau des relations économiques entre les deux frères ennemis de l’Asie du Sud. L’économie indienne, en rapide expansion, a besoin du gaz iranien, relativement bon marché. New Delhi est disposée à investir 4 milliards de dollars dans la construction de ce gazoduc. Islamabad, dont l’accord est indispensable, a promis de soutenir le gouvernement indien et de lui accorder toutes les facilités nécessaires.
D’autres projets indo-pakistanais doivent voir le jour, notamment la liaison par train entre les villes de Munabao, au Rajasthan et Khrokrapar, dans la province pakistanaise du Sindh. Les deux dirigeants ont également mis sur pied une commission pour tenter de trouver une solution au contentieux frontalier de Siachen, ce glacier de l’Himalaya où les armées des deux pays se sont affrontées par le passé. Mais, une fois de plus dans le dialogue à rebondissements entre l’Inde et le Pakistan, le sentiment prévaut que les deux pays ne sont pas encore prêts à tourner la page de leur rivalité, conséquence de la partition de l’empire britannique en 1947.
Le rapprochement de New Delhi avec ces trois pays avait été amorcé par le gouvernement précédent conduit par les nationalistes hindous du BJP (Parti du peuple indien), qui ont perdu les élections et le pouvoir le 13 mai 2004. Mais le premier ministre actuel, Manmohan Singh (Parti du Congrès), a poursuivi depuis un an, avec vigueur, une diplomatie qu’il veut utiliser au service du développement économique. Il peut le faire d’autant mieux que, classiquement en Inde, un consensus minimum existe sur la politique étrangère. "Pragmatique, le premier ministre n’est pas un homme de préjugés. Il décide en fonction de ce qu’il estime être de l’intérêt de l’Inde" , affirme l’un de ses amis. La même source souligne que "dans le contexte actuel, -M. Singh- représente la transition entre la vieille garde congressiste, socialiste et tiers-mondiste, d’une part, et la nouvelle génération qui veut sa place dans le "nouveau monde", d’autre part"
25.5.05
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