LE MONDE | 04.06.05 | 14h29 • Mis à jour le 04.06.05 | 14h29
BRUXELLES de notre bureau européen
Les autorités européennes expriment leur émotion et leur tristesse chaque fois que des bateaux d'immigrants chavirent en Méditerranée, au prix de nombreuses vies. La plupart de ces embarcations cherchent à gagner les côtes italiennes à partir de la Libye, même si leurs passagers viennent de plus loin. Comme cela a encore été le cas, jeudi 2 juin tard dans la soirée où 500 clandestins sont arrivés sur l'île de Lampedusa, près de la Sicile. La Libye est aujourd'hui, pour les immigrés issus de l'Afrique subsaharienne, le principal pays de transit vers l'Europe, soulignent les dirigeants de l'Union.
C'est pour tenter de réduire le flux de cette immigration clandestine et de mettre fin aux tragédies qu'elle engendre, que l'Union européenne, à la demande de l'Italie et de Malte, a décidé, vendredi 3 juin, d'aider la Libye à mieux contrôler les mouvements migratoires qui traversent son territoire.
Réunis à Luxembourg (en l'absence de ministre français), les ministres européens de l'intérieur se sont mis d'accord pour "engager un dialogue" avec la Libye et "mettre progressivement en place une coopération concrète" . Celle-ci, estiment-ils, est "à la fois essentielle et urgente" afin de lutter contre l'immigration illégale et d'"empêcher de nouvelles pertes de vies humaines" . Fondée sur les résultats d'une mission technique conduite par la Commission, la décision des Vingt-Cinq, qui suscite l'inquiétude de plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, telles qu'Amnesty International ou le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés, est assortie de conditions strictes que Tripoli doit s'engager à accepter.
La Libye, en effet, n'est pas un modèle de démocratie, et le sort des immigrés qui seraient accueillis sur son sol, sans possibilité de poursuivre leur voyage vers l'Europe, préoccupe à la fois les associations humanitaires et les Etats membres. Aussi les Vingt-Cinq assurent-ils, dans le texte adopté vendredi, que la coopération avec Tripoli doit être guidée par le respect des droits de l'homme et par celui des obligations de la Convention de Genève sur les réfugiés. "La portée et l'évolution d'une telle coopération, ajoutent-ils, dépendront des engagements de la Libye en matière d'asile et de droits fondamentaux." Tripoli devra faire la preuve de sa détermination et accepter en particulier de collaborer avec le Haut-Commissariat aux réfugiés.
Les pays les plus réservés à l'égard de cette initiative, comme la Belgique et la Suède, ont estimé que les garanties demandées étaient suffisantes pour justifier leur approbation. Il n'est pas question notamment, dans les conclusions du conseil des ministres, de la perspective de créer en Libye des camps permanents d'accueil pour les demandeurs d'asile, gérés par l'UE, une idée qui avait provoqué l'an dernier une vive controverse parmi les Vingt-Cinq. En revanche, comme le redoutait notamment Amnesty International, l'hypothèse d'un renvoi vers la Libye des immigrants refoulés aux frontières de l'Union est envisagée à moyen terme. Le texte précise que cet éloignement devra respecter "pleinement" les droits de l'homme.
La coopération concernera dans un premier temps, la collaboration des services aux frontières maritimes, la formation des agents, les analyses conjointes, l'assistance au rapatriement, mais elle ne sera pas lancée dès demain, a précisé le ministre luxembourgeois à l'immigration, Nicolas Schmit, qui a indiqué qu'une nouvelle mission exploratoire sera envoyée en Libye. La situation est encore compliquée par l'affaire des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien condamnés à mort en mai 2004 sous l'accusation d'avoir propagé volontairement le virus du sida. La Haute Cour libyenne, qui devait se prononcer le 31 mai sur la recevabilité de leur appel, a reporté sa décision au 15 novembre. Le conseil des ministres a déclaré qu'il "souhaiterait voir un signe encourageant" dans ce report et exprimé l'espoir que le jugement "ouvrira la voie à une libération" des détenus. Dans le cas contraire, indique la Commission, "cela changera la donne" .
Thomas Ferenczi
Article paru dans l'édition du 05.06.05
4.6.05
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