29.11.04

Quatre semaines avant Noël

Il est intéressant de voir combien la contestation à la guerre américaine contre l’Irak a marqué les esprits, presque autant que le 11 septembre 2001… Un film grand public, comédie romantique sortie à Noël dernier, l’amène là où on ne l’attend pas. Accueilli tièdement par la critique pour sa mièvrerie, Love actually, de Richard Curtis, s’inscrit pleinement dans son époque. En voix off, au début du film, pour commenter une scène d’intenses retrouvailles dans un hall d’aéroport, les événements new-yorkais du 11 septembre sont mentionnés à travers les derniers échanges des victimes à leurs proches, sur leurs portables : « ce n’était pas des messages de haine qu’ils s’adressaient ». Après tout, comme entrée en matière sur l’amour…
Mais dans cette mise en scène à la Lelouch, en plus léger certes, il y a un Premier ministre qui ressemble terriblement à Tony Blair, moderne et sympathique, joué par Hugh Grant. Mais le nouvel occupant du 10 Downing Street affirme tout de go être moins difficile à contenter : « pas couches à changer, ni de femme hystérique » comme son prédécesseur. Cette mise en scène permet au réalisateur de s’aventurer sur un registre plus engagé. Une moquerie à l’endroit de Margaret Thatcher qualifiée de « petite friponne ». La scène entre le président américain, moitié texan comme George Bush, moitié obsédé sexuel comme Bill Clinton, et la petite employée de maison du 10 est plus actuelle et politique. Elle amène Grant à affirmer l’autonomie de l'Angleterre vis-à-vis du grand voisin américain dans un discours que beaucoup de Britanniques auraient aimé entendre de Tony Blair.
Et puis il y a le décor. Une scène est censée se passer au Portugal. Mais c’est une villa provençale que Richard Curtis montre. Puis l’aéroport est celui de Marseille Provence. Enfin, en ville, la cohorte de Portugais passe devant un graffiti rouge : « La TV, premier flic de France ». D’aucuns s’amusent à relever ce genre d’erreurs dans les films, au même titre que les micros qui débordent sur la pellicule, ou les objets qui changent de place ou de couleur dans une même scène. Mais, de cette modification géographique, une seconde lecture peut être faite, plus politique celle-là. La France s’est en effet démarquée des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans l’aventure irakienne. Dans ce film atemporel, ce clin d’œil n’a rien d’innocent.
Quelles que puisse être l’avis des critiques cinématographiques, Love actually entre dans la catégorie des médias qui ont organisé la « résistance » à l’unilatéralité américaine. Nous sommes certes bien loin d’Uncovered : The War in Iraq, de Robert Greenwald, version allongée du cinquante-six minutes Uncovered: The Whole Truth About The Iraq War (2003), et de Fahrenheit 9/11, de Michael Moore. Mais la catégorie des spectateurs est également tout autre…

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