30.11.04

Défaut de communication ou mensonges ?

Le numéro deux d’al Qaïda, Ayman al Zawahri, a affirmé dans une vidéo diffusée lundi 29 novembre par la télévision satellitaire qatarie al Jazira que son réseau poursuivrait sa lutte contre les Etats-Unis. Cette video a apparemment été tournée avant les élections américaines, puisque Zawahri fait allusion aux deux candidats à la présidentielle américaine: « Le résultat de ces élections n'est pas important pour nous. Votez pour qui vous voulez : Bush, Kerry, ou le diable lui-même. Ce qui nous intéresse, c'est de purger notre pays des agresseurs ».
Dans un précédent message vidéo, diffusé le 9 septembre, il avait tourné en ridicule les forces américaines qui, en Afghanistan, « se terrent dans leurs tranchées ». Fin octobre, al Jazira avait diffusé une autre vidéo, dUssama bin Laden cette fois, qui renouvelait ses imprécations d'attentats de grande envergure. Dans la version complète diffusée sur Internet, il déclarait que George Bush avait attiré les Etats-Unis dans un bourbier en Irak et mettait en garde contre des représailles pour venger les victimes irakiennes tombées sous les balles ou les bombes américaines. Son lieutenant ne fait que confirmer les diatribes de son chef. Les deux vidéos datent-elles de la même époque ?
Autre atmosphère, autre lieu. L'ancien chef du gouvernement conservateur espagnol, José Maria Aznar, a affirmé le même jour qu'il n'avait jamais menti sur les attentats du 11 mars, défendant vigoureusement la thèse d'une collusion entre ETA et terrorisme islamiste, comme déjà soutenue au lendemain du plasticage de quatre trains à Madrid.
José Maria Aznar, qui témoignait devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats, s'est montré particulièrement offensif. « J'ai la conscience tranquille (...). Nous avons dit la vérité sur ce que nous savions », a affirmé l’ancien chef du gouvernement. « Tous les terrorismes sont liés », a-t-il ajouté, et les attentats islamistes du 11 mars dernier « avaient pour but d'inverser les élections » législatives du 14 mars, remportées contre tout pronostic trois jours après les attaques par les socialistes de José Luis Rodriguez Zapatero. José Maria Aznar a demandé que soit faite « la vérité sur qui a choisi le 11 mars pour que la terreur fasse irruption dans le processus électoral ».
Aucun des nombreux experts policiers et judiciaires ayant comparu depuis l'été devant cette commission n'a accrédité cette thèse, lui ont rappelé les parlementaires de gauche et nationalistes qui l'interrogeaient à tour de rôle. Ces derniers ont cité notamment les dépositions du juge antiterroriste Baltasar Garzon, de l'ancien commissaire européen à la justice, Antonio Vitorino, du directeur par intérim d'Europol, Mariano Simancas Carrion, ou encore du coordinateur antiterroriste de l'UE, Gijs de Vries.
L'ancien chef du gouvernement a aussi saisi l'occasion de « dire aux Espagnols deux ou trois choses bien senties » sur les attentats, incluant un appel à revenir aux côtés des Etats-Unis en Irak. « Le moment est venu de changer certaines décisions et lignes politiques et de revenir avec les alliés que nous avons et qui sont en train de poursuivre la lutte contre le terrorisme en première ligne », a-t-il jugé. La première décision du gouvernement Zapatero a été de retirer les troupes espagnoles envoyées en Irak par José Maria Aznar, proche allié du président américain, George W. Bush, et inconditionnel de sa stratégie antiterroriste internationale. « L'attaque du 11 mars n'a rien eu à voir avec l'intervention en Irak, ni avec les Açores (le sommet Etats-Unis-Royaume Uni-Espagne à la veille de l'invasion de l'Irak) », a asséné l’ancien chef du gouvernement. Et de citer le récent démantèlement d'un commando islamiste qui aurait eu l'intention de commettre des attentats à Madrid : « Il n'y a plus d'Irak, il n'y a plus de troupes, il n'y a plus d'excuses », a-t-il martelé.
José Maria Aznar est le premier ancien chef de gouvernement jamais entendu par une commission d'enquête parlementaire en Espagne. Son successeur, José Luis Rodriguez Zapatero, comparaîtra le 13 décembre devant la commission sur les attentats islamistes de Madrid, qui ont fait 191 morts et 1 900 blessés. José Maria Aznar est aussi le premier chef de gouvernement impliqué dans l’affaire irakienne a être ainsi désavoué. Tony Blair a été blanchi par le rapport qu’il avait commandé à l’ancien secrétaire du Cabinet et chef du Home Civil Service, l’Honorable Lord Butler of Brockwell, après avoir été exonéré par l’ancien juge en chef de la Cour d'Irlande du Nord, lord Hutton of Bresagh, dans le cadre de l’affaire David Kelly. Le Premier ministre australien, John Howard, pareillement blanchi par le rapport de la commission indépendante menée par l’ancien chef des renseignements, le diplomate Philip Flood, a même été réélu. Et ne parlant pas de George W. Bush, que deux rapports sur les défaillances du renseignement, tant lors des événements du 11 septembre 2001 que dans l’affaire des armes de destruction massive, n’ont même pas éclaboussé, ou de Silvio Berlusconi, que la question de l’uranium du Niger n’inquiète même pas. Il est vrai qu’il a d’autres affaires en cours…

Aucun commentaire: