1.12.04

L'âme d'Israël

Les photos de cadavres palestiniens outragés, parues dans la presse israélienne et diffusées dans les médias internationaux comme la marque d’un nouveau Abu Ghraib, font suite aux diverses exactions contre des civils palestiniens depuis le début de la seconde Intifada. Au début, il ne s’agissait que d’un avatar de la guerre médiatique que se livraient les deux côtés. En France, en Belgique, il alimenta les batailles de presse contre tous les antisémites qui osaient prétendre qu’Israël était en train de commettre une erreur. La manipulation a été jusqu’à démontrer que le petit Mohammed, tué devant les caméras de télévision, avait été victime de tirs palestiniens, et non israéliens. Quant aux films, ils étaient forcément faux, puisque émanant d’un caméraman palestinien employé par la chaîne publique France 2.
Pourtant, cette bataille inégale cachait une dérive plus importante. Toujours autant médiatique, elle n’en était pas moins réelle : les exactions étaient dorénavant justifiées, puisqu’il y avait toujours, côté israélien, un cadavre de plus. Le même raisonnement prévalait côté palestinien, justifiant le terrorisme. Mais le Hamas ne se prévalait pas d’être le plus démocratique des Etats de la région… Car la dérive met une nouvelle fois en péril le système politique israélien. Ainsi s’éclairent d’un autre jour les mouvements de résistance des réservistes israéliens, à l’été dernier.
Les déprédations infligées aux victimes rejoignent ainsi celles que subirent les prisonniers d’Abu Ghraib dans l’imaginaire médiatique des opinions publiques. Mais, en Israël, elles ne sont pas sans rappeler les événements de Beyrouth en juin 1982. Tsahal a déjà connu un tel sentiment de perdre son âme, suite aux massacres de Sabra et Chatila. Elle avait laissée faire les milices chrétiennes qui avaient assassiné les populations civiles palestiniennes de ces deux camps. La crise de conscience avait lourdement marqué les Israéliens. Le ministre de la Défense de l’époque avait été obligé de démissionner. Il s’agissait du général Ariel Sharon… Il est aujourd’hui Premier ministre et le pays souffre à nouveau de ces maux qui le mine au plus profond de ce qu’il est, de ce qu’il représente aux yeux du monde.
Sur un plan militaire, il est à noter que ces événements ne sont pas propres à Tsahal. Toutes les armées envoyées s’interposer en Bosnie, au Kosovo, ou combattre en Afghanistan, en Irak, ont été soumises à ce genre d’errances. Les contingents italiens et britanniques ont été éclaboussés, soumis à la même médiatisation suscitant la honte parmi leurs opinions publiques, lors de leurs séjours en ex-Yougoslavie. Les troupes allemandes de retour de Kaboul sont maintenant sous les feux de l’actualité ; elles n’ont outragé aucun cadavre, seulement de jeunes recrues allemandes.
Un tabloïd britannique, le Daily Mirror, a monté de toutes pièces une affaire similaire après l’implication des troupes américaines dans l’affaire d’Abu Ghraib. Quel était son intérêt, sinon démontrer la banalisation du corps humain et le goût pervers d’en montrer les déviances possibles. Le message est pourtant à double tranchant. S’il peut contenter une opinion publique occidentale, dont les films dévoilent des violences pires (il n’est qu’à se souvenir des publicités limites sado-masochistes de Louis Guitton il y a quelques années, splendides au plan pictural, mais douteuses au plan éthique), il contribue un peu plus à creuser le fossé avec des cultures différentes, chez qui le corps humain est encore objet de respect. Il est vrai qu’au XIXe siècle, et encore au début du siècle dernier, on cousait le corps des musulmans dans des peaux de cochons pour décourager les rébellions ou les mater…

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