2.12.04

Réformer les Nations unies

Depuis la fin de la première guerre du Golfe, il est question d’établir un nouvel ordre mondial. Selon les effets de mode, comme autant de reculades du système de régulation mondial, on a pu également parler de gouvernance. Ce terme se décline à tous les niveaux, mais il a pour origine d’organiser la multilatéralité mise à mal lors de la seconde guerre du Golfe, américano-britannique celle-là. Un comité des « sages » a présenté, mardi, ses propositions de vaste réforme des Nations unies. Au cœur de sa réflexion, une refonte du Conseil de sécurité, qui passerait à vingt-quatre membres (quinze actuellement) et une révision des critères d'éligibilité en son sein. Deux modèles possibles sont recommandés, soit une répartition des sièges, soit un statu quo sur le droit de veto, qui resterait le privilège des cinq membres permanents actuels (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie). Il justifie une réforme du Conseil de sécurité, principal organe de décision de l'ONU, sur plusieurs constats de carence. Il estime que les décisions du Conseil ont souvent « manqué de réalisme, de ressources adéquates et d'une volonté politique de les voir appliquer ». « Depuis la fin de la guerre froide, l'efficacité du Conseil s'est améliorée, comme sa volonté d'agir. Mais il n'a pas toujours été équitable dans ses actes, et il n'a agi ni efficacement ni avec constance face aux génocides et autres atrocités », ce qui a « gravement diminué sa crédibilité », estime-t-il.
Le premier modèle prévoit l'arrivée de six nouveaux membres permanents et de trois non permanents. La composition du Conseil serait alors de onze membres permanents et treize non permanents. Les six nouveaux permanents, toutefois, ne seraient pas dotés du droit de veto. Le second modèle propose un statu quo concernant les membres permanents (soit cinq) et l'arrivée de neuf nouveaux membres non permanents, s'ajoutant aux dix existant actuellement. Mais huit de ces neuf nouveaux entrants auraient un statut particulier puisqu'ils seraient élus pour quatre ans, au lieu de deux actuellement, avec possibilité de réélection immédiate à la fin des quatre ans.
Le Japon, qui est candidat pour devenir membre du Conseil de sécurité, a déclaré mercredi que tous les membres permanents du Conseil de sécurité devaient être traités de la même manière et disposer d'un droit de veto dans le cadre des réformes envisagées. « Le Japon considère qu'il n'est pas souhaitable d'avoir des membres permanents du Conseil de sécurité disposant du pouvoir de veto et d'autres qui ne l'ont pas, a déclaré Hatsuhisa Takashima, porte-parole du ministère des affaires étrangères. Nous l'avons dit à différentes occasions. » Mais il a ajouté que le Japon se plierait à la décision de la majorité. « Si c'est le consensus de la communauté internationale, le Japon l'acceptera », a-t-il dit. La Grande-Bretagne, la France et la Russie se sont déclarées favorables à ce que l'Allemagne, le Brésil, l'Inde et le Japon deviennent de nouveaux membres permanents.
Le comité note également que les contributions financières et militaires de certains membres permanents dotés du droit de veto sont « modestes par rapport à leur statut spécial ». La Russie ne contribue que pour 1,1 % au budget de l'ONU et la Chine pour 2 %, alors que les Etats-Unis en versent 22 %, le Japon 19,5 % et l'Allemagne 8,7 %. Le comité suggère aussi d'étendre la représentativité géographique du Conseil, notamment vers les pays du tiers-monde, ce qui correspond à une forte demande au sein de l'organisation. Mais il ne désigne aucun des pays qui pourraient bénéficier de l'élargissement du Conseil qu'il préconise.
Après les débats acrimonieux de 2002-2003 sur la guerre en Irak, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a enfin réussi à avoir une réponse quant au rôle de son institution face aux défis globaux du nouveau millénaire. Les cent-une réformes présentées étaient discutées sans résultat depuis des années par les diplomates. « Ce qui est nécessaire, c'est un système complet de sécurité collective, qui permette de faire face aux menaces anciennes et nouvelles, et qui réponde aux soucis de sécurité de tous les Etats, riches et pauvres, faibles et forts »,, note Kofi Annan dans sa préface au rapport.
Bien sûr, le rapport égratigne au passage les Etats-Unis à propos de la guerre en Irak, à laquelle Kofi Annan et plusieurs membres du Conseil de sécurité se sont vivement opposés. « Il y a peu d'acceptation visible dans le monde de l'idée que la sécurité est mieux préservée soit par un équilibre des forces, soit par une seule superpuissance, même si ses intentions sont bienveillantes », affirme le comité. « L'attente d'un système international gouverné par l'Etat de droit s'est accrue. Aucun Etat, quelle que soit sa puissance, ne peut à lui tout seul se rendre invulnérable aux menaces d'aujourd'hui », ajoute-t-il.
Plus que d’al Qaïda, le rapport parle surtout de pauvreté et des maladies. Il identifie six menaces majeures : les menaces économiques et sociales (pauvreté, maladies infectieuses et dégradation de l'environnement), les conflits inter-Etats, les conflits internes (guerre civile, génocide), les armes nucléaires, radiologiques, chimiques et bactériologiques, le terrorisme et la criminalité organisée transnationale. Ses propositions concernent chacun de ces domaines. Il recommande aussi qu'un Conseil rénové permette d'accroître la participation aux décisions des pays qui contribuent le plus aux Nations unies « financièrement, militairement et diplomatiquement ».
Kofi Annan compte s'appuyer sur ce rapport pour soumettre des propositions de réforme de l'ONU que l'Assemblée générale pourrait adopter en septembre 2005, pour le 60e anniversaire de l'organisation et l’avant dernière année de son mandat.


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