24.1.05

Ces check-points qui étouffent les Territoires

Naplouse : de notre envoyé spécial A. J.
[LE FIGARO 24 janvier 2005]


Le terme hébreu est passé dans le langage courant pour désigner les check-points de l'armée israélienne dans les Territoires palestiniens. Le «marhsom» est ouvert ou fermé, untel est au «marhsom» : les indications sur les check-points ont remplacé le temps qu'il fait dans les conversations palestiniennes. Au début de l'intifada simples blocs de béton posés au bord d'une route par le génie de l'armée israélienne à l'entrée des anciennes «zones A», les morceaux de Cisjordanie rétrocédés par les accords d'Oslo à l'Autorité palestinienne, les «marhsom» se sont développés au cours des mois jusqu'à ressembler à des installations permanentes.
Celui qui garde l'entrée sud de Naplouse a maintenant ses guérites blindées, ses chicanes de béton, et quelques bâtiments préfabriqués pour abriter les soldats. Une remorque transportant un appareil à rayons X a même déplié ses tapis roulants, et contrôle au bord de la route les bagages des voyageurs.
Du côté palestinien, le petit univers du «mahson» s'est lui aussi enrichi. Des marchands ambulants proposent du café ou des graines de tournesol aux deux extrémités du point de contrôle, les taxis Mercedes orange attendent de part et d'autre les voyageurs qui traversent à pied, et des enfants vendent du Pepsi aux voitures qui attendent à la file entre des rangées de plots de béton les consignes des sentinelles israéliennes.
Au check-point, les Palestiniens sont tous égaux : les vieux messieurs dans leurs keffiehs à carreaux, les dames voilées, les livreurs gominés qui poussent des chariots de légumes, les mères de famille chargées d'enfants, les riches familles dans leurs 4 X 4 flambant neufs et les ambulances et les paysans qui poussent leurs bourricots, tous attendent avec fatalisme à chacune de leur entrée ou de leur sortie de la ville.
En temps normal, les soldats israéliens sont le plus souvent corrects. Ils font avancer les voitures une par une d'un geste de la main, ou font signe de patienter en joignant les doigts vers le ciel, à la manière orientale. La troupe est formée de garçons et de filles à peine sortis de l'adolescence. Engoncés dans les uniformes approximatifs de l'armée israélienne, clope au bec ou café à la main, ils accomplissent jour après jour la routine du check-point. Le ton monte parfois. A d'autres moments, les filles et les garçons papotent entre eux tout en contrôlant des papiers d'identité fripés ou des cabas pleins de choux-fleurs.
On prévient même les visiteurs étrangers de leur entrée en «territoire apache». «A partir d'ici, vous n'êtes plus sous la protection de l'armée, explique un soldat dont le visage poupin se perd sous son gros casque. Vous devez savoir que vous entrez dans une zone dangereuse.»
«On a de la peine à croire que le «marhsom» soit seulement là pour des raisons de sécurité», explique avec amertume M. Ashraf, un homme d'affaires palestinien des environs de Naplouse. «Notre vie quotidienne est paralysée par le «marhsom». Auparavant, je venais de ma maison à la campagne en dix minutes. A présent, il me faut parfois deux heures pour faire cinq kilomètres. Personne n'est jamais sûr de pouvoir voyager librement, sans même parler de l'effet produit sur les enfants, dit-il, Ma fille de 10 ans a une peur panique des soldats.» «Le «Mahrsom» est le vrai visage de l'occupation israélienne. Aussi longtemps que nous les verrons, nous nous rappellerons que nous sommes occupés», dit M. Ashraf.

Aucun commentaire: