24.1.05

La société palestinienne exténuée par l'intifada

Jérusalem, Ramallah : de notre envoyé spécial Adrien Jaulmes
[LE FIGARO 24 janvier 2005]


Plus de quatre ans après le début de l'intifada, les Palestiniens subissent dans leur vie quotidienne le poids de la présence militaire israélienne. Mais cette occupation n'a pas partout le même visage et n'est pas vécue de la même façon par un habitant de Jérusalem-Est ou un bourgeois de Ramallah, la «capitale» de l'État Palestinien mort-né qu'avaient commencé à créer les Accords d'Oslo, ou bien encore par un descendant de réfugiés vivant dans l'un des camps de Cisjordanie en cultivant le souvenir des terres perdues en 1948.
A Jérusalem-Est, où l'insurrection a commencé en septembre 2000, le jour de la visite d'Ariel Sharon sur l'esplanade des Mosquées, l'occupation est presque invisible. Des policiers israéliens patrouillent devant la mosquée al-Aqsa ou accompagnent les étudiants juifs dans le dédale des rues de la vieille ville, mais les Palestiniens de la ville ne subissent ni check-points ni raids de l'armée israélienne.
«Nous ne souffrons pas autant de l'occupation qu'en Cisjordanie», dit Nawas, un guide touristique au chômage de Jérusalem-Est, «ou du moins pas de la même façon». «Mais nous n'avons aucune certitude quant à notre avenir. Nous sommes palestiniens, on nous accorde un passeport jordanien et avons le droit de demander un passeport israélien. Mais pour voyager, il nous faut demander une autorisation à l'administration israélienne. Et surtout, nous ne savons pas ce que sera le statut futur de la ville et celui de ses habitants !»
Toujours légalement divisée, Jérusalem est de plus en plus réunifiée dans les faits, et les banlieues israéliennes qui se développent sur les collines orientales de la ville encerclent inexorablement les quartiers arabes.
«Les murs et les autoroutes se développent tout autour de nos quartiers, dit Nawas. Je pense que les Israéliens n'ont aucune intention de rendre une seule partie de Jérusalem aux Palestiniens, et je me demande quel statut auront mes enfants.»
Ailleurs en Cisjordanie, où presque chaque colline est coiffée par les lotissements aux toits rouges des colonies juives, la vie des Palestiniens est rythmée par les marhsom, les check-points de l'armée israélienne qui ralentissent et entravent les déplacements entre les villes palestiniennes.
Après les opérations militaires israéliennes du printemps 2002 contre les villes de Cisjordanie, le calme est revenu. Mais la vie continue de se dérouler au ralenti, alors que les carences de l'administration palestinienne s'ajoutent aux contraintes de l'occupation.
«Un certain nombre de problèmes de la société palestinienne ne viennent pas directement de l'occupation», admettent certains hommes d'affaires de Ramallah. «Il y a aussi un grand besoin d'institutions. Les tribunaux ne siègent que deux heures par jour, ce qui n'est pas normal», dit Burhan Bani Odeh, gérant de l'hôtel City Inn à Ramallah.
Son premier hôtel était devenu le lieu des affrontements entre les lanceurs de pierre de la ville et l'armée israélienne au début de l'intifada. Il n'a pas rouvert depuis.
«Nous attendons de voir comment les choses vont tourner. Si dans trois mois Mahmoud Abbas a réussi à rendre confiance aux milieux d'affaires, alors les investissements reprendront, dit-il. Ça ne veut pas dire que nos problèmes avec les Israéliens seront terminés, mais au moins la vie des Palestiniens commencera à s'améliorer, et nous prouverons que nous sommes capables de nous admi-nistrer.»
L'un des nouveaux lieux de rendez-vous en vogue de Ramallah est le Plazza Shopping Center. Ce centre commercial, qui ne déparerait pas une banlieue américaine, a ouvert ses portes au moment de l'intifada. «J'ai investi une bonne partie de mon capital dans ce centre», explique Sam, le responsable du projet, un Palestinien rentré des Etats-Unis au début des années 90. «Nous étions très optimistes à l'époque. Aujourd'hui, c'est un peu différent, mais si Mahmoud Abbas parvient à améliorer la situation, l'économie repartira.» A l'étage, des enfants jouent sur des jeux de simulation dont aucun ne fait référence à la guerre. Dans le magasin de meubles, un jeune couple ouvre et ferme les portes d'une armoire normande et des jeunes gens traînent en groupe à la terrasse d'une pizzeria.
«Si nous avons la paix, nous pouvons ouvrir cinq centres de ce genre d'ici à 2007», dit Sam.

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