21.1.05

"La révolution conservatrice va s'inscrire dans la durée"

LE MONDE | 21.01.05 | 13h57

Pour le politologue Bruno Tertrais, l'Amérique est aujourd'hui plus républicaine que jamais.

Rarement président américain aura bénéficié de tant de pouvoirs, en apparence au moins. George Bush aborde son second mandat fort d'une élection remportée haut la main, le 2 novembre 2004 : 9 millions de voix de plus sur son nom que lors du scrutin de 2000, et une progression dans toutes les catégories de l'électorat, notamment parmi les femmes et les Hispaniques.

Son parti n'est pas moins bien loti. Les républicains ont conquis une majorité de sièges de gouverneur (28 contre 22), dominent la Chambre des représentants (232 sièges contre 202 pour les démocrates et un indépendant) et le Sénat (55 sièges contre 44 et un indépendant). Dans l'histoire politique récente du pays, la coïncidence de ces majorités (Maison Blanche et Congrès) n'est pas si fréquente ; elle confère au président une autorité d'autant plus affirmée que l'Amérique est en guerre. Et si M. Bush, comme c'est probable, a bientôt l'occasion de procéder à deux, ou même trois, nominations à la Cour suprême, il dominera l'appareil d'Etat comme peu de ses prédécesseurs.

Le pays paraît, culturellement et politiquement, plus républicain que jamais, observe le politologue Bruno Tertrais, qui a le grand mérite de décrire l'Amérique telle qu'elle est et non pas telle qu'on voudrait qu'elle soit sur les rives de la Seine. "Pour la première fois depuis les années 1920, écrit-il, il y a autant d'Américains qui se disent républicains que d'Américains qui se disent démocrates." L'opposition paraît durablement minoritaire : sur les 7 derniers scrutins présidentiels, les démocrates en ont perdu 5.

Les républicains entendent réaliser ce qu'avait réussi le démocrate Franklin D. Roosevelt dans les années 1930 : "Assurer la primauté de leur camp pour plusieurs décennies et faire du parti adverse un champ de ruines."

C'est dire que "la révolution conservatrice va s'inscrire dans la durée", pronostique Bruno Tertrais, et que M. Bush aura à cœur d'inscrire, lui, ce second mandat dans la lignée du premier : pas de tournant "réaliste" à attendre.

UN CABINET DE FIDÈLES

Tacticien sous-estimé, le 43e président des Etats-Unis a rassemblé, sinon fusionné, les trois courants qui dominent actuellement la mouvance républicaine : les néoconservateurs (flamboyants héritiers du reaganisme), la droite chrétienne au faîte de sa puissance, enfin, des nationalistes que les attentats du 11 septembre 2001 ont singulièrement revigorés.

Mais, privilégiant les relations personnelles, M. Bush a composé un cabinet de fidèles - certains disent de "béni-oui-oui" - plus qu'il n'a dosé entre les trois cultures du Parti républicain. Equipe "resserrée, plus homogène" que la première, disposant "de l'ensemble des leviers de commande" à Washington, elle verra cependant sa liberté de manœuvre limitée par l'ampleur des déficits en cours (budgétaire et commercial). Elle est, au départ, "plombée" à la fois par la guerre en Irak et par les promesses fiscales de M. Bush et en éprouvera d'autant plus de difficultés pour mettre en œuvre l'agenda républicain en politique étrangère comme sur la scène intérieure.

Alain Frachon
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 22.01.05

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