4.2.05

C’est nous les Africains

Il était temps. La presse mondiale glosait suffisamment sur la disparition de la France de la scène africaine, remplacée par ces parangons de la liberté des peuples que sont les Etats-Unis. Déjà l’Algérie était tombée dans leur escarcelle, tandis que la Libye est en train de se racheter une conduite. Le Sénégal, et de là toute l’ancienne Afrique occidentale française, bien mal en point depuis l’apparition du SIDA et la résurgence des rivalités tribales dans la région des grands lacs et ailleurs.
Il était temps. Les armées françaises étaient bien mal menées depuis l’explosion de la Côte d’Ivoire. Les troupes britanniques du Libéria s’en étaient sorties autrement bien. Il fallait également assurer un signal fort de ce point de vue. Déjà les entreprises militaires privées, domiciliées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, après avoir remplacé les mercenaires sud-africains, commençaient à miner les accords d’assistance technique militaire que la France avait conclue au sortir de la période coloniale de l’Union.
Il était temps. Et l’accueil réservé à Jacques Chirac était à la mesure de l’attente du continent oublié pour la métropole oublieuse. Les baisers de la main que lançait le président, arborant ce large sourire aux anges que déclenche chez lui tout bain de foule, avaient de quoi rassurer. Mais ce n’était plus un bain, c’était une immersion qui manifestement le transportait aux confins de l’extase. De temps à autre, on croisait un motard de la sécurité esseulé ou un militaire, fusil en bandoulière, tentant timidement de se frayer un chemin dans ce joyeux tapage.
Il est trop tôt pour dire que la France est de retour en Afrique. L’évolution des services de renseignement dans cette zone laisserait plutôt croire qu’il s’agirait même du contraire. Mais le soutien apporté à la France par le président Wade à propos de la Côte d’Ivoire, le soutien qu’apporte la France à ses initiatives pour le développement ou à ses positions sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU montrent que ce lien continue de compter pour les Africains. La manière dont le président français a soufflé aux Américains l’initiative de la réunion du Dakar agricole, première édition d’un forum international qu’il a qualifié de « Davos de l’agriculture », témoigne de cette course de vitesse entre les deux nations occidentales. A Brazzaville, le président français participera, samedi, au deuxième sommet des chefs d’Etat d’Afrique centrale sur la conservation et la gestion durables des écosystèmes forestiers, une tentative de partenariat entre les pays du bassin du Congo, aidés par le G 8 (qui regroupe les sept pays les plus industrialisés ainsi que la Russie) et par différents bailleurs de fonds internationaux dans le dessein de stopper le pillage de la forêt tropicale. Là encore, l’idée originelle était américaine.
Le retour de la France, en Afrique, par le Sénégal témoigne également de la volonté de pérenniser sa présence. « Le Sénégal a développé une grande diplomatie multilatérale qui fait de lui une des grandes voix africaines », indiquait, à la veille de la visite, le porte-parole de l’Elysée, Jérôme Bonnafont. Parrain du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (Nepad) avec son homologue sud-africain, Abdoulaye Wade est aussi l’auteur de diverses initiatives tentant de mobiliser la communauté internationale, hier contre « la fracture numérique », aujourd’hui contre ce qu’il appelle « la fracture agricole ». Il a sur tous ces thèmes le soutien de la France. Mais la France en a-t-elle les moyens ?

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