4.2.05

Israël annule une loi de confiscation de biens palestiniens

LE MONDE | 04.02.05 | 14h10


Jérusalem de notre correspondante

Face au scandale, le procureur général de l'Etat d'Israël, Menachem Mazuz, a dû faire machine arrière. Mardi 1er février, il a annulé une décision gouvernementale adoptée discrètement en juillet 2004, selon laquelle l'Etat s'autorisait à confisquer des dizaines d'hectares de terres et des biens immobiliers situés à Jérusalem-Est et appartenant à des Palestiniens résidant en Cisjordanie. Alors que les procédures judiciaires et les appels se multipliaient depuis lors, l'affaire a été révélée par le quotidien Haaretzdans son édition du 21 janvier.
Coupés de leurs biens par la clôture de séparation qu'Israël construit de manière unilatérale en territoire palestinien depuis juin 2002, les propriétaires avaient tout simplement été déclarés "absents", selon les termes d'une loi de 1950 réactivée pour la première fois depuis cinquante-quatre ans.
Lors de la création de l'Etat d'Israël, cette loi avait permis aux autorités de prendre possession des terres et des biens laissés sur place par les Palestiniens qui avaient quitté le pays en 1948, sans qu'aucune compensation ne leur soit versée. Mais les gouvernements israéliens successifs s'étaient abstenus de l'utiliser pour les environs de Jérusalem.
Les conditions dans lesquelles ce statu quo a été remis en cause paraissent contestables, selon le Haaretz du 2 février. "Les décisions concernant la confiscation de terres pour le bien des colonies sont toujours prises sans débat public, loin des yeux du Parlement, et, dans ce cas précis, loin des yeux du gouvernement lui-même."

"GRAVES IMPLICATIONS INTERNATIONALES"

La mesure, éminemment politique, avait été adoptée lors d'un comité ministériel où ne siégeaient que deux ministres parmi les plus extrémistes du gouvernement d'Ariel Sharon, Natan Chtcharanski, responsable de la diaspora, et Zebulon Orlev, qui a depuis quitté ses fonctions. Ce dernier a regretté le recul du procureur général, estimant qu'il marquait "le suicide de l'Etat juif". L'actuel ministre des finances, Benyamin Nétanyahou, a aussi laissé entendre qu'il contestait l'annulation de la décision. "Jérusalem est unifiée et (...) les Arabes de Cisjordanie n'ont aucune prise réelle sur la ville".
Mettant en lumière les effets de la clôture de séparation - dont le tracé est contesté par la communauté internationale - sur la viabilité du futur Etat palestinien, le problème s'est rapidement déplacé sur le terrain diplomatique. Le sujet a été abordé lors d'une rencontre entre Dov Weissglass, le plus proche conseiller de M. Sharon, et Condoleezza Rice, la secrétaire d'Etat américaine, lundi 31 janvier. Les "inquiétudes" exprimées par les Américains concernant l'expropriation de terres ont sans nul doute accéléré la décision du procureur général.
M. Mazuz a mis en avant "les graves implications internationales -de cette loi- sur la clôture de séparation", ajoutant : "Il est clairement dans l'intérêt d'Israël d'éviter d'ouvrir de nouveaux fronts en ce qui concerne le droit international."
Par la voix de leur avocat, les résidents de Cisjordanie se sont félicités de cette volte-face israélienne. Même si, pour l'instant, rien n'est dit des conditions dans lesquelles les propriétaires spoliés pourront de nouveau accéder à leurs biens. Les ouvertures promises dans la clôture et le mur par les autorités israéliennes sont toujours inexistantes.

Stéphanie Le Bars
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 05.02.05

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