15.2.05

Funérailles nationales et revendication mystérieuse

LE MONDE | 15.02.05 | 13h59


Beyrouth de notre correspondant

L'ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri, a été tué, lundi 14 février, dans un attentat vraisemblablement perpétré à la voiture piégée, à la lisière du centre-ville de Beyrouth. L'explosion, d'une rare violence, a fait 15 morts, dont plusieurs de ses gardes du corps, et 137 blessés, parmi lesquels le député Bassel Fuleihan. Les déplacements de M. Hariri étaient pourtant toujours entourés d'importantes mesures de sécurité. Trois convois identiques démarraient simultanément pour arriver à destination par trois itinéraires différents, sans que l'on sache dans lequel se trouvait l'ancien premier ministre.
L'attentat a aussitôt remis en mémoire celui qui, il y a quatre mois, avait visé le député de l'opposition et ancien ministre Marouan Hamadé. Celui-ci a déclaré, lundi : "Tout cela commence à Damas, passe par Baabda -siège de la présidence de la République), par le gouvernement et par les services de renseignement libanais."
Lundi soir, c'est au domicile de Rafic Hariri que l'opposition, dont il faisait partie, s'est réunie et a publié un communiqué imputant aux autorités libanaises et à leur tuteur syrien la responsabilité de l'assassinat. Elle a réclamé une commission internationale d'enquête et décrété trois jours de grève. De leur côté, les députés du groupe Hariri, qui ne font pas partie formellement de l'opposition, ont annoncé qu'ils ne participeraient à aucune des cérémonies qu'organiserait l'Etat pour leur leader. La famille de ce dernier a fait savoir qu'elle ne souhaitait la participation d'aucune personnalité officielle libanaise aux obsèques, prévues mercredi 16 février. Le gouvernement joue l'apaisement. Il a saisi la Haute Cour pour qu'elle décrète trois jours de deuil et des funérailles nationales.
Quelques heures après l'attentat, la chaîne de télévision satellitaire Al-Jazira a diffusé une revendication émanant d'un groupuscule inconnu, le "Groupe pour la victoire et la guerre sainte dans la Grande Syrie", qui affirme que Rafic Hariri a payé pour ses amitiés saoudiennes. Avec une célérité surprenante, la police a affirmé en avoir identifié l'auteur, Ahmed Tayssir Abou Adass, un Palestinien de 22 ans. Une perquisition a été aussitôt conduite à son domicile, où divers documents et un ordinateur auraient été saisis. Le dénommé Abou Adass a disparu. Cette revendication et ses suites ont suscité un scepticisme général.
Dans un pays sous haute surveillance internationale depuis le vote, par le Conseil de sécurité de l'ONU, de la résolution 1559, tout le monde donne l'impression de jouer son va-tout : le pouvoir, qui, en se drapant dans une souveraineté confisquée de longue date par la Syrie, rejette l'intrusion étrangère ; l'opposition, qui pense disposer d'une chance unique pour se débarrasser de la tutelle syrienne ; et la Syrie, décidée à s'accrocher au Liban tout en donnant des gages aux Etats-Unis concernant l'Irak. Le président syrien, Bachar Al-Assad, et d'autres responsables syriens ont vivement condamné l'assassinat de Rafic Hariri.

Lucien George
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.02.05

Aucun commentaire: