10.2.05

Les douaniers des mers ont mis sac à terre

LE MONDE | 10.02.05 | 14h20

Ils s'opposent au plan de réorganisation de la surveillance du littoral.

Beau temps, de Dunkerque à Bayonne et de Port-Vendres à Menton, pour les contrebandiers, pirates de haute mer et trafiquants de cigarettes et de cannabis ! Les marins gabelous ont mis sac à terre et les malfrats peuvent espérer accomplir leurs forfaits sans craindre d'être arraisonnés ...
Depuis une semaine, les vedettes grises restent à quai et les hélicoptères et avions sur le tarmac. Les équipages de l'aéronavale des douanes sont en colère et font grève. Ces fonctionnaires ont manifesté, mercredi 9 février, devant le ministère du budget, dont ils dépendent, pour protester contre un plan de réorganisation du dispositif de surveillance navale et aérienne du littoral et de défense des approches de nos côtes. Un plan qui s'intègre dans la réforme de l'Etat, les programmes d'économies budgétaires et la recherche d'une meilleure coordination entre les administrations publiques que pilote Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
"Ce plan traduit un désengagement de l'Etat dans la lutte contre la criminalité, la contrebande, l'immigration clandestine, le braconnage, les pollutions volontaires et le terrorisme", explique Michel Pernot, l'un des responsables de l'intersyndicale des marins des douanes de la Manche et de l'Atlantique à Brest. "Les suppressions de bateaux envisagées dans le plan gouvernemental et l'abandon de missions essentielles transforment le littoral en immense passoire, et la situation a atteint aujourd'hui son paroxysme",affirme-t-il.
A la direction générale des douanes, on indique qu'il n'est pas question de baisser la garde et de diminuer la vigilance. Plusieurs bâtiments anciens sont affectés par des pannes répétées qui vont à l'encontre des exigences du service et peuvent mettre en cause la sécurité des personnels, souligne-t-on.
Le plan, qui s'étalera entre mi-mars 2005 et fin 2007, prévoit l'acquisition de navires performants, notamment de deux patrouilleurs de 40 mètres, et de cinq hélicoptères, pour un montant de 60 millions d'euros. Les patrouilleurs, pour la construction desquels une dizaine de chantiers français et étrangers ont répondu à l'appel d'offres, seront basés à Brest et à Boulogne-sur-Mer. Quant aux plus petites embarcations côtières et aux vieilles vedettes garde-côtes, la plupart seront vendues ou envoyées à la casse. Pour employer le terme consacré, elles seront "réformées".
"C'est l'immobilisme face à la dégradation du potentiel de ce dispositif naval qui conduirait inéluctablement à son déclin, puis à la fin du rôle de la douane dans la protection des frontières maritimes", réplique François Mongin, directeur général des douanes. Il précise : "Pour les agents dont l'unité sera supprimée, plusieurs possibilités seront offertes qui, toutes, garantiront la meilleure prise en compte possible des attentes individuelles."
Au total, c'est près de 300 marins et aviateurs sur 700 qui devront ainsi changer de métier. Ces départs touchent notamment une centaine d'agents de commandos, formés et entraînés aux interventions délicates et musclées en pleine mer.
La réorganisation de la flottille des douanes s'intègre dans une opération plus vaste, qui concerne l'ensemble des moyens navals de l'Etat, c'est-à-dire, outre les douanes, ceux de la gendarmerie, des affaires maritimes et de la marine nationale. Placés sous l'autorité opérationnelle des préfets maritimes de Cherbourg, Brest et Toulon, ces navires sont parfois utilisés par les différentes administrations sans coordination et donc avec une efficacité relative.
Le secrétaire général de la mer, Xavier de la Gorce, a été chargé par le premier ministre de proposer au prochain comité interministériel de la mer, en avril, un schéma rationnel d'implantation et d'utilisation des moyens de l'Etat en mer qui mette fin aux jalousies et "gueguerres" entre ministères.

François Grosrichard
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.02.05

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