11.2.05

Idiomes et de savoirs : la mort programmée des langues minoritaires

La situation est particulièrement inquiétante au Mozambique, l’un des pays les plus pauvres de la planète, qui compte vingt trois idiomes. « Les fils ne parlent plus la langue de leur père, (…) notre culture se meurt », déplore Paulo Chihale, directeur d’un programme qui cherche à former les jeunes Mozambicains aux métiers traditionnels. Le Mozambique n’a qu’une langue officielle, le portugais, vestige d’une colonisation qui, tout en unifiant linguistiquement le pays, nuit également à la perpétuation des traditions locales.
Les Nations unies estiment que la moitié des six mille langues recensées dans le monde disparaîtront avant un siècle. Pas moins de 96 % des dialectes de la planète sont parlés par seulement 4 % de la population mondiale. La situation est particulièrement inquiétante en Afrique, qui regroupe 32 % des langues menacées. Une journée d’action internationale en faveur des langues est prévue le 21 février prochain. Les experts estiment que la moitié de l’humanité utilise aujourd’hui dans sa vie quotidienne l’une des huit langues les plus répandues : le chinois (mandarin), l’anglais, l’hindi, l’espagnol, le russe, l’arabe, le portugais et le français.
Un nouveau rapport de l’ONU, deux ans après le précédent, souligne qu’avec la mort d’une langue ce sont des siècles de savoir-faire en matière de préservation des écosystèmes qui disparaît. Le phénomène pourrait avoir des répercussions jusque sur la médecine. L’industrie pharmaceutique a en effet produit de nombreux médicaments grâce aux savoirs traditionnels, utilisant des plantes ou des écorces d’arbre employées depuis des siècles par des guérisseurs.
Les anthropologues avancent également la théorie que des habitants des îles indiennes d’Andaman et de Nicobar ont survécu au tsunami du 26 décembre grâce à d’anciennes connaissances sur la nature transmises par leurs ancêtres. Beaucoup ont raconté avoir fui vers l’intérieur des terres après avoir noté des signes dans le vent, la mer et le vol des oiseaux indiquant que la catastrophe était imminente.
La chaîne Discovery, l’UNESCO et le programme « l’ONU Travaille » fêtent la Journée internationale de la langue maternelle en célébrant la diversité culturelle. L’objectif de ce projet est de sensibiliser l’opinion sur les langues menacées et la nécessité de sauvegarder notre diversité linguistique. Dans une première phase du projet, neuf langues menacées ont été identifiées, en étroite consultation et coopération avec des experts et les gouvernements des pays concernés. Les images-vignettes ont été prises au cours des mois d’octobre et novembre 2002, et ont été diffusées internationalement sur Discovery Channel le 21 février 2003, Journée internationale de la langue maternelle. Les programmes courts ont été tournés en Écosse, Suède, Canada, Japon, Malaisie, Mexique, Argentine et Inde.

Europe
Langue : Gaélique Écossais
Région : Écosse
Population : 55 000

Affiliation linguistique: Indo-européen, Celtique, Insulaire, Goidelic.

Introduite en Ecosse vers le Ve siècle (remplaçant une langue celtique du groupe Brittonique), cette langue s’est développée en un dialecte gaélique distinct au cours du XIIIe siècle. Une langue littéraire gaélique commune a été employée en Irlande et en Ecosse jusqu’au XVe siècle, époque à laquelle l’Ecossais avait suffisamment divergé de l’Irlandais pour rendre toute compréhension mutuelle difficile. Dès lors, le Gaélique Ecossais pouvait être considéré comme une langue distincte de l’Irlandais.
Le gaélique de culte est issu du dialecte de Perthshire, vieux de deux cents ans, et diffère des dialectes parlés. Le dialecte du Sutherlanshire de l’Est est si différent des autres dialectes parlés qu’il constitue un obstacle à la communication. Dans quelques communautés, ce dialecte est principalement employé à la maison, à l’église ou pour des raisons sociales. Livres et journaux sur des sujets variés sont publiés dans ce dialecte.
Aujourd’hui le Gaélique Ecossais est parlé dans le nord et le centre du comté de Ross, dans les îles de Hébrides et de Skye. Il est également parlé en Australie, au Canada et aux États-Unis. Le regain d’intérêt pour le Gaélique Écossais dans les années 1990 a été renforcé par l’établissement du Parlement Ecossais.

(Sources : Encyclopaedia Britannica; Ethnologue, Volume I, Languages of the World)

Langue : Saami
Région : Suède
Population : 15 000

Affiliation linguistique: Uralic, Finno-Ougric, Finno-Permic, Finno-Cheremisic, Finno-Mordvinic, Finno-Lappic, Lappic.

Les Saami, peuple autochtone, vivent depuis plus de dix mille ans dans les parties septentrionales de la Norvège, de la Suède et de la Finlande et dans une grande partie de la péninsule de Kola, en Russie. La « langue Saami » est divisée en trois dialectes principaux: le Saami oriental, le Saami central (y compris le Saami du nord, le Pite Saami et le Lule Saami) et le Saami méridional. Les premières traces écrites de la langue Saami remontent au début du XVIIe siècle, époque de traduction de la littérature missionnaire. Malgré la “Norvégianisation” de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, la langue et la culture Saami ont retrouvé leur importance après la Seconde Guerre Mondiale.
La culture Saami était fortement influencée par les activités traditionnelles telles la chasse et la pêche. Aujourd’hui, seule une faible proportion des Saamis (peut-être dix pour cent) sont des nomades éleveurs de rennes. Cependant, cette dimension traditionnelle de la vie des Saami reste prépondérante dans la culture de ce peuple. La pêche dans les fjords tient également une place importante dans la vie et la culture des Saami.
Les Saamis ont résisté plus d’un siècle aux tentatives de la société non-Saami d’assimiler leur population. En 1903, le journal politique, le Sagai Muittalaegje, a fortement dénoncé ces politiques d’assimilation. Cette prise de position a encouragé d’autres activités politiques visant à soutenir les Saamis dans la préservation de leur identité culturelle et de leur mode de vie. En 1917 a eu lieu le premier rassemblement pan-Saami. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Association des Eleveurs des Rennes des Saamis a été fondée. En 1956, le Conseil Nordique des Saamis a été établi comme organe de liaison entre les Saami norvégien, finlandais et suédois. Lors de l’effondrement de l’Union Soviétique, les Saamis de la péninsule de Kola ont rejoint le Conseil, renommé « Conseil Saami » en 1991. L’établissement d’un Parlement de Saami (Sameting) en 1989 a renforcé la reconnaissance linguistique, culturelle et légale des Saami.

(Sources : Communiqué rédigé par des représentants des organismes des peuples indigènes au colloque international AMAP sur la contamination de l’environnement de l’Arctique (Tromsø, juin 1997); Ethnologue, volume I, langues du monde.)

UNESCO : M. Ole-Henrik-Henrik Magga, linguiste, Président du Parlement Saami en Norvège, expert en matière de culture Saami et ancien professeur des langues Finno-Ugriennes à l’université d’Oslo, a été élu président du Forum Permanent sur les Questions Indigènes, établi le 28 juillet 2000, qui s’est réuni pour sa première session historique, aux Nations Unies à New York du 13 au 24 mai 2002.

AMÉRIQUE DU NORD
Langue : Haida
Région : Canada
Population : 165

Affiliation linguistique: Na-Dene, Haida.

Les Haida sont des Indiens d’Amérique du Nord qui habitent sur les îles de la Reine-Charlotte de la Colombie Britannique et sur une partie de l’île du Prince de Wales, dans le sud-est de l’Alaska, où quelques groupes de Haida ont migré probablement au début du XVIIIe siècle.
La société traditionnelle Haida était organisée en plusieurs villages, d’un à plusieurs groupes de maison, constitués d’un clan matrilinéaire. Ces clans matrilinéaires, dirigés par les chefs héréditaires, formaient les unités foncières et cérémoniales elles-mêmes divisées en sous-groupes, «moieties», d’aigle et de corbeau. Excellents pêcheurs et marins, les Haida dépendaient fortement du flétan, de la morue noire, des mammifères marins, des mollusques et autres espèces de la mer en plus de leur pêche de saumons en eau douce. Les abondants cèdres rouges étaient utilisés pour tailler d’immenses canoës, de grandes maisons pouvant abriter plusieurs familles, diverses sortes de poteaux TOTEM magnifiquement découpés en statues commémoratives ou en portiques, ou encore des boîtes et des récipients. Les chefs offraient des « potlatches » aux invités de la « moieties » opposée, arborant leurs armoiries héréditaires et des danses. Les Shamans portaient des masques témoignant de leur pouvoir spirituel de guérison. Les guerres contre les tribus ennemies étaient fréquentes et pouvaient être motivées par un désir de vengeance ou par l’espoir de mettre la main sur un butin ou des esclaves.
Au début du XIXe siècle la population indigène Haida s’élevait à près de huit mille individus pour les îles de la Reine Charlotte et à mille huit cents pour l’Alaska. Dans les années 1890, on comptait moins de mille Haidas, seuls survivants des maladies apparues au contact des européens. Pendant cette drastique diminution de la population, les survivants des îles de la Reine Charlotte s’étaient réunis en villages multiclans, dont deux seulement, Masset et Skidegate, ont subsisté. Les Haidas d’Alaska avaient formé cinq villages multiclan, par la suite fusionnés à Hydaburg en 1911. Au milieu des années 1980 la population totale des Haidas s’élevait à environ 2 000 individus.

(Sources : Ethnologue, Volume I, Languages of the World; www.alaskan.com/akencinfo/haida.html)

ASIE
Langue : Kadazandusun
Région : Sabah, Malaisie
Population : 300,000

Affiliation linguistique: Austronesian, Malayo-Polynesian, Le Bornéo, Du nord-ouest, Sabahan, Dusunic, Dusun.

La plus grande communauté de langue Sabah en Malaisie est celle du Kadazandusun. La langue Kadazandusun comprend 13 dialectes notables parlés par plus de 300 000 personnes dans les régions de Ranau, de Tambunan, de Penampang, de Paptr, de Tuaran, de Kota Belud, et aux alentours de la ville de Kota Kinabalu. Les personnes parlant le Kadazandusun habitent également les régions de Beafort, de Kinabatangan, de Labuk-Sugut et de Keningau, ainsi que dans quelques villages nomades des régions de Tenom et de Tawau. Les populations de langue Kadazandusun sont traditionnellement des fermiers occupant les plaines fertiles de la côte ouest et de l’intérieur des terres.

(Sources : Bibliothèque d’État de Sabah: www.ssl.sabah.gov.my/project/kadaze.asp; "SABAH, land of the sacred mountain", par Albert C.k. Teo)

Langue : Ainu Région :
Hokkaido, Japon
Population : 150

Affiliation linguistique: Langue isolée. Dialectes: Sakhaline (Saghilin), Taraika, Hokkaido (Ezo, Yezo), Kouriles (Shikotan).
Selon le recensement organisé par le Gouvernement de Hokkaido en 1984, la population Ainu de Hokkaido s’élevait à 24 381 personnes. À l’origine, présents sur les quatre grandes îles japonaises, les Ainu habitent aujourd’hui principalement Hokkaido et les îles de Kouriles (autrefois aussi sur île sud de Sakhaline, Russie).
Aucun lien linguistique formel entre l’Ainu et une quelconque autre langue n’a été établi. Les sources dénombrent jusqu’à dix neuf dialectes. La dernière personne parlant le dialecte de Sakhaline est mort en 1994. L’essentiel du peuple Ainu parle seulement japonais et est intégré dans la culture japonaise. En Chine, l’Ainu est une langue différente et indépendante. Les chercheurs ont développé plusieurs hypothèses sur l’origine des Ainu qui font état d’origines caucasiennes, mongoles, océaniennes, asiatiques ou encore d’une émergence isolée.
Au début de l’année 1997, le Gouvernement Japonais a officiellement reconnu les Ainu en tant que minorité indigène japonaise. Les Ainu avaient commencé, dans les années 1980, à participer au nouveau mouvement ethnique en réalisant que leur propre situation était très semblable à celle des autres groupes ethniques, c.-à-d. des autochtones américains, australiens ou des peuples arctiques.

(Sources : Encyclopedia Britannica; Gabor Wilhelm “The Ainu in Japan: Ethnic Identity and Cultural Definitions”, Pro Ethnologia 11, Tartu, 2001; Ethnologue, Volume I, Languages of the World; www.ainu-museum.or.jp)

Langue : Sharda Script/écriture
Région : Srinagar, Inde
Population : 489

Le Sharda est l’’écriture originale du Cachemire. Elle est issue de la branche occidentale du Brahmi, il y a presque mille deux cents ans, lorsque le Kashmiri s’est formé avec ses intonations, variations et sonorités particulières. Le Sharda a alors intégré ces particularités vocales et s’est distingué ainsi du Sanskrit. Cependant, le Sharda a continué à être employé au Cachemmire pour transcrire le Sanskrit.
L’écriture Sharda était très utilisée au Cachemire, mais également au nord-ouest de l’Inde (Gilgit etc.), au Pendjab, dans l’Himachal Pradesh et même en Asie Centrale c’est une écriture indienne ancienne de premier ordre présentant un excellent alphabet ancien du Cachemire. L’essentiel de la littérature antique Sanskrit du Cachemire est écrit en Sharda.

(Sources : www.ikashmir.org/Languages)

Langue : Idu Mishmi
Région : Arunachal Pradesh, Inde
Population : 8 569

Affiliation linguistique: Sino-Tibétain, Tibeto-Burman, Assam Du nord, Tani.

Les Mishmi occupent la partie nord-est de l’Arunachal Pradesh central dans les collines de Mishmi qui se situent entre les fleuves Dibang et Lohita. Les Mishmi, ainsi répartis sur une vaste étendue de la vallée d’Assam, au-delà de Sadiya, sont divisés en trois groupes, en fonction de leur répartition géographique : Idu Mishmi, Digaru Mishmi et Miju Mishmi. Leur ressource principale est l’agriculture et leur religion traditionnelle, l’Hindouisme.

(H.M. Bareh. “Encyclopedia of North-East India” Mittal Publications. New Delhi; Ethnologue, Volume I, Languages of the World.)

AMÉRIQUE LATINE
Langue : Cucapa Région : Mexique
Population : 178

Affiliation linguistique: Hokan, Esselen-Yuman, Yuman, Delta-Californiens.
Le Cucapa est une langue en danger de disparition pratiquée par environ cinq cents personnes, dont près de 178 vivent au Mexique et le reste aux États-Unis.
Les Indiens du fleuve du Colorado ont été mentionnés la première fois en 1540 par l’explorateur espagnol Fernano Atarcon. Pendant au moins quatre cents ans, des groupes familiaux Cucapa vivaient dans le delta des fleuves Colorado et Hardy ainsi que sur les pentes des montagnes de Cucapa. Ils étaient chasseur-cueilleurs, pêcheurs et agriculteurs (maïs). En 1605, il y avait environ vingt-deux mille autochtones dans la région du fleuve du Colorado ; en 1827, un voyageur a mentionné qu’environ cinq mille Indiens habitaient autour du fleuve du Colorado, et en 1990, ils n’était plus qu’un millier.
Aujourd’hui, la population Cucapa vit à Baja California, à El Mayor, à San Poza de Arvizú (au sud de Río San Luis le Colorado) et en Arizona, aux Etats-Unis.

(Sources : Ethnologue, Volume I, Languages of the World ; www.sonora.gob.mx/historia-cultura/etnias/cucapa.htm)

Langue : Toba
Région : Argentine
Population : 36 000

Affiliation linguistique: Mataco-Guaicuru, Guaicuruan.
La langue Toba (Chaco Sur, Qom, Toba Qom) est parlée dans les provinces argentines du Formose oriental et de Chaco, ainsi qu’en Bolivie et au Paraguay. On compte deux dialectes : le Toba du sud-est et le Toba du nord, eux-mêmes différents du Toba du Paraguay (Toba-Maskoy) ou du Toba-Pilagá de l’Argentine.
La majorité des Tobas habitent dans les montagnes où ils cultivent la terre. Ces dernières années, les Tobas ont obtenu des titres de propriété définitifs, ou provisoires, des terres qu’ils occupent. Un autre groupe de Tobas habite dans les régions suburbaines de Saenz Pena, Resistencia et Formose. Les Tobas sont constitués en communautés rurales ou urbaines dirigées par des chefs traditionnels ou des commissions locales et des associations communautaires, dont les membres sont élus par la communauté.
Les Tobas vivaient sous la dépendance politique et économique de la société dominante. Néanmoins ils retrouvent peu à peu leur identité indienne et la volonté de faire valoir leurs droits. Ils pratiquent leur langue, font de l’artisanat traditionnel, préservent leurs danses et chansons et exécutent des rituels de guérison traditionnels.

(Sources : Ethnologue, Volume I, Languages of the World ; Argentina Indigena - INCUPO (Instituto de Cultura Popular): www.madryn.com.)

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