18.4.05

Comme un Premier ministre libanais…

La crise libanaise repose sur deux données insolubles entre elles. L’une d’elle repose sur les vélléités du président Bush d’instaurer ce « nouvel ordre » au Moyen-Orient que son père n’avait eu ni le temps, ni la vision pour mener ; dans ce cas précis, la vision s’appelle « liberté », et est synonyme de démocratie à l’américaine. L’autre n’est autre que l’esprit du pacte fondamental de 1943, qui sous-tend un partage confessionnel des fonctions publiques au Liban ; avant 1975, et force est de le reconnaître depuis 1989, il représentait l’un des rares cas de régime démocratique au Moyen-Orient. La panne institutionnelle que connaît le Liban depuis le 14 février, date de l’assassinat de Rafic Hariri, résulte de la collision entre ces deux conceptions du pouvoir à Beyrouth. Pour la première, il s’agit d’éliminer toute présence syrienne, ce qui est en passe d’arriver. Pour la seconde, il s’agit de maintenir un fragile équilibre entre tutelle syrienne, main-mise hizb‘allahie et espérance d’une jeunesse américanisée.
Il aura fallu plus de deux mois, après l’assassinat de Rafic Hariri, pour qu’une ébauche de solution soit trouvée. Comme toujours en Orient, comme systématiquement en politique, il s’agit d’une solution de compromis entre loyalistes prosyriens et opposition sponsorisée par USAid. Omar Karamé, qui avait succédé à Rafic Hariri lors de la crise « présidentielle » de la fin de l’année dernière, avant de se succéder vainement à lui-même après l’assassinat de leader de l’opposition sunnite, n’arrivait pas à former un nouveau gouvernement, donnant l’impression de vouloir ajourner les législatives, comme la présidentielle et reconduir une assemblée « fabriquée » à Damas. Mais, la France, les Etats-Unis, l’Union européenne ne cessent de répéter que le respect des échéances électorales est crucial.
Plutôt que de laisser la main au camp loyaliste, comme elle l’avait fait précédemment en refusant de participer aux consultations parlementaires pour la désignation d’un Premier ministre, l’opposition a cette fois décidé d’agir et de faire nommer son candidat : Négib Miqati. Cet homme d’affaires sunnite dont les intérêts, notamment dans les télécommunications, s’étendent aussi bien à Beyrouth qu’à Damas, cet ancien ministre, originaire du nord du Liban, a promis d’organiser le scrutin législatif dans les délais, un objectif prioritaire pour la coalition antisyrienne. Il s’est aussi engagé à limoger les chefs des services sécuritaires, l’une des principales revendications de l’opposition, et à faciliter le travail de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Hariri dont la création a été décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Vingt voix se sont ajoutées aux trente-sept de l’opposition en faveur de Miqati, lors des consultations parlementaires contraignantes organisées vendredi par le président de la République pour trouver un successeur à Omar Karamé. Mais sa désignation n’aurait pas été possible sans la décision d’une partie du camp loyaliste de s’abstenir plutôt que de voter pour l’autre candidat, le prosyrien pur et dur Abdel Halim Mrad. Cette « percée » dans le camp des loyalistes, comme la qualifiait hier le quotidien An-Nahar, illustre la nouvelle stratégie de l’opposition. Plutôt que d’organiser des manifestations massives pour faire plier le pouvoir, comme elle l’avait envisagé, elle a préféré chercher le ralliement de « repentis », selon l’expression du général Michel Aoun, interrogé par Le Figaro.
Le Premier ministre désigné a entamé samedi ses consultations pour la formation d’un cabinet, qu’il souhaite « restreint », et il doit les poursuivre aujourd’hui avec les parlementaires. Mais au-delà de la constitution d’une équipe ministérielle, il lui faudra lever rapidement un autre obstacle avant les législatives : le vote d’une loi électorale. Il lui reste jusqu’à la fin du mois d’avril pour trouver une majorité parlementaire autour d’une formule. Deux, voire trois projets sont en concurrence. Le débat porte sur la taille des circonscriptions et le mode de scrutin.

Aucun commentaire: