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Les cyclones de 2004 sont-ils un signe du réchauffement climatique ?

LE MONDE | 07.05.05 | 15h15  •  Mis à jour le 07.05.05 | 15h15

Pour l'Atlantique et les Caraïbes, 2004 a été une année cyclonique particulièrement sévère. "La saison a été l'une des plus dévastatrices jamais enregistrées" , a récemment rappelé Max Mayfield, directeur du Centre national des ouragans de l'Administration américaine pour l'atmosphère et l'océan (NOAA), à l'orée d'une nouvelle période cyclonique. L'an passé, "plus de 3 100 personnes ont péri en Haïti, soit le second bilan en trois décennies, a-t-il précisé. Aux Etats-Unis, 60 morts ont été directement causées par des orages tropicaux et des ouragans" .
L'équipe de prévisionnistes de l'université du Colorado a analysé les caractéristiques de ces cyclones tropicaux. La saison a comporté 23 journées "intenses" , contre 5 en moyenne, ce qui n'avait pas été vu depuis 1926. Septembre a été particulièrement marqué, avec 17,75 jours "intenses" , du jamais vu jusque-là.
C'était la première fois depuis 1985 que quatre cyclones pénétraient sur le territoire américain. Entre 1995 et 2003, seuls trois des 32 principaux cyclones atlantiques avaient touché les Etats-Unis. Celui dénommé Ivan a tourné pendant dix jours au niveau intense, battant le record précédant de 9,25 jours établi en 1926 par un cyclone qui avait frappé Miami.
De son côté, le Japon a connu 10 typhons (le terme désignant les cyclones en Asie) contre 6 lors de la précédente année record, en 1996. De plus, en mars, "Catarina" a frappé les côtes brésiliennes, alors qu'on estimait qu'aucun cyclone ne pouvait s'épanouir dans l'Atlantique sud.
Faut-il voir dans cette avalanche de statistiques une conséquence supplémentaire du réchauffement climatique ? La réponse est loin d'être évidente. On a observé une corrélation inverse avec El Niño. Lorsque cette bulle d'eau chaude traverse, à intervalles réguliers, le Pacifique d'ouest en est, l'Atlantique semble plus calme. En revanche, les années en Niña (Pacifique plus froid) sont plus cycloniques sur l'Atlantique. Une faible oscillation nord-atlantique, petit El Niño de l'Atlantique nord, est elle aussi censée faciliter le guidage des gros cyclones jusqu'au territoire américain. On sait aussi que la formation d'un cyclone nécessite une température de surface élevée (supérieure à 27 ºC), ainsi qu'un régime de vents particulier, n'occasionnant pas le cisaillement de la colonne cyclonique.


PAS DE TENDANCE CLAIRE

Mais, pour l'heure, il n'a pas été trouvé de lien systématique entre fréquence des cyclones et hausse des températures de surface des océans. Une étude portant sur le Pacifique nord-ouest à ce sujet n'a pas permis de conclure, rappelle Rasmus Benestad, climatologue à l'Institut de météorologie norvégien sur le site realclimate.org.
Le chercheur propose une synthèse des recherches sur la question et convient qu'il reste difficile de discerner une tendance claire dans les statistiques concernant les cyclones tropicaux d'Atlantique. Il semble cependant que, au cours du siècle dernier, la vitesse maximale des vents ait eu tendance à s'accroître dans les cyclones les plus sévères, au sein desquels on enregistrait une pression barométrique de plus en plus basse.
Mais les observations anciennes sont sujettes à caution : les moyens de mesure étaient plus rares et rustiques qu'aujourd'hui. Et une bonne part des ouragans, ne touchant pas terre, pouvaient jadis passer inaperçus.
De nombreuses questions restent en suspens, comme le soulignent les internautes, souvent avertis, qui fréquentent realclimate.org. En voici une : en cas de réchauffement, la température des pôles est censée croître plus intensément que celle des régions équatoriales. Ce nouveau gradient sera-t-il favorable ou non à la formation des cyclones ?

Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 08.05.05

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