Le rapport annuel sur le terrorisme a été rendu public la semaine dernière par le State Department. Ce document de 129 pages souligne que « la première menace pour les Etats-Unis, en 2004, reste al Qaîda. L’organisation a toujours l’intention de s’en prendre aux intérêts américains à l’étranger et sur leur propre sol. » Par ailleurs, Cuba, la Corée du Nord, la Syrie et plus particulièrement l’Iran, continuent à utiliser le terrorisme « comme instrument politique ». Le plus inquiétant, souligne-t-il « est que ces pays ont la capacité de produire des armes de destruction massives qui peuvent tomber entre les mains de terroristes ». « Le défi reste immense », conclut le rapport tant la menace reste multiple et mal définie.
Le State Department estime que les Etats-Unis et leurs alliés ont réduit à la quasi-impuissance la direction d’al Qaîda, mais ce réseau se serait adapté, « diffusant son idéologie à de nombreuses organisations et petits groupes dans le monde ». La stratégie en araignée, identifiée de longue date, avait déjà montré l’inexistence d’un état-major pour représenté al Qaîda, mais plutôt d’une stratégie de communication qui vassalisait les groupes a posteriori. La médiatisation américaine après el 11 Septembre a renforcé cette image de marque d’al Qaîda, lui donnant une dimension que le groupe d’Ussama bin Laden n’avait pas. Voilà pourquoi les plus importants dirigeants d’al Qaîda ont été tués (Qaed Senyan Al-Harthi et Mohammed Atef), ou capturés (Ramzi Benalshibh, Abdel Rahim Al-Nashiri, Abou Zubaida, Khaled Cheikh Mohammed et Riduan Isammundin dit Hambali) entre le 11 septembre 2001 et mars 2003 et que, depuis deux ans, les succès sont moindres. Selon James Philips, spécialiste du terrorisme de la très conservatrice Heritage Foundation, « des réseaux islamistes plus ou moins professionnels sont aujourd’hui éparpillés dans le monde. Ils n’ont pas forcément la capacité à mener des attaques sophistiquées comme le 11-septembre 2001, mais peuvent faire beaucoup de dégâts et il est extrêmement difficile de les infiltrer ».
Pour le State Department, le discours reste pourtant le même : « la propagation de l’idéologie islamiste radicale dans de nombreux pays rend plus crucial encore le besoin d’une coopération internationale approfondie. Même si al Qaîda reste la première source d’inquiétude sur la possible utilisation d’armes de destruction massive, le nombre de groupes montrant leur intérêt pour de tels matériels augmente et la technologie et le savoir-faire prolifèrent dans la communauté du djihad ». Porter Goss, le directeur de la CIA, estimait même, il y a quelques semaines, devant la Commission des renseignements du Sénat : « C’est une simple question de temps, avant qu’al Qaîda ou d’autres groupes tentent d’utiliser des armes chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires ».
Un rapport interne du Homeland Security Department, diffusé par erreur le mois dernier, un court instant, sur le site Internet de l’Etat de Hawaï, prouve que la menace est prise très au sérieux. Le document baptisé « Scénarios de planification nationale » identifie des sites à risques et les réponses à apporter. Les attentats envisagés vont de l’explosion d’un réservoir de chlore pouvant tuer 17 500 personnes, à la diffusion de la peste à partir des toilettes d’un aéroport qui ferait 2 500 victimes en passant par la contamination par des spores d’anthrax de cinq villes par un camion itinérant. Paradoxalement, les services de sécurité estiment pourtant aujourd’hui que les menaces crédibles d’attaques sur le sol américain sont à leur plus faible niveau depuis le 11 Septembre. Des officiels, cités de façon anonyme par le « Washington Post » dans son édition 1er mai, considèrent qu’elles ont diminué de 25 % à 50 %. Cela s’expliquerait, entre autres, par le fait qu’al Qaîda cherche en priorité à s’en prendre aux troupes américaines en Irak et à frapper en Europe, où il est plus facile d’opérer qu’aux Etats-Unis.
Lors de la publication du rapport du State Department, le document ne comprenait pas, contrairement aux années précédentes, les statistiques des attaques terroristes dans le monde, un choix délibéré de l’administration. « Ils ont tenté de cacher ces données car elles montrent que sur le plan international au moins nous perdons la guerre contre le terrorisme » estime Larry Johnson, ancien directeur adjoint du service de lutte contre le terrorisme du State Department. Et d’ajouter : « L’année 2003 était mauvaise et 2004 est pire. Contrairement à ce que laisse entendre l’administration, ces chiffres ont une importance considérable. Ils montrent que le djihad n’est pas en recul, au contraire, même si al Qaîda est affaiblie ».
Le gouvernement a été finalement contraint de publier ces chiffres quand le représentant démocrate Henry Waxman a commencé à les révéler. Pour ne pas perdre la face, ce n’est pas le département d’Etat mais le tout nouveau Centre national contre le terrorisme qui les a rendus publics. Le nombre d’attentats a été évalué à 655 en 2004 (contre 175 en 2003). Ils ont tué 1 907 personnes et en ont blessé plus de 7 000. Ces données comprennent le massacre des enfants de Beslan en Ossétie du Nord et les attentats de la gare d’Atocha à Madrid. Il y a eu 198 attaques terroristes comptabilisées en Irak, neuf fois plus qu’en 2003. Dix pour cent des attentats répertoriés visaient des intérêts américains.
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