9.5.05

Un sommet sud-américano-arabe

Des responsables de haut-rang de 34 nations sud-américaines et arabes se sont réunis dimanche à Brasilia pour mettre au point l’ordre du jour du premier sommet des pays de la Ligue arabe et d’Amérique du Sud, prévu les 10 et 11 mai à Brasilia. Cette « réunion de hauts responsables a porté sur la déclaration à diffuser à l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères », a indiqué un des participants, l’ambassadeur du Koweït au Brésil, Hamud Rodan. « Ils ont tenté de se mettre d’accord en ce qui concerne les termes » sur les affaires politiques et économiques, a-t-il ajouté. Cette réunion préparatoire sera suivie aujourd’hui par une rencontre des ministres des Affaires étrangères, avant le sommet prévu pour mardi et mercredi.
Ce sommet est la concrétisation d’une proposition du président brésilien Luiz Inacio Lula da Sivla, en décembre 2003. L’idée a ensuite été retenue par le seizième sommet arabe de Tunis, en mai 2004. Une réunion ministérielle préparatoire s’est tenue à Marrakech, les 24 et 25 mars 2005, afin de finaliser les préparatifs du sommet de Brasilia. Au centre des préoccupations des deux entités régionales, la promotion du commerce des deux côtés de l’Atlantique et la coordination de leurs positions lors des négociations de l’Organisation mondiale du commerce. Bien que des millions d’immigrants arabes choisissent l’Amérique du Sud comme leur destination, la région et les pays arabes ont des relations économiques inadéquates avec l’un l’autre, selon des analystes. Mais, le commerce entre l’Amérique du Sud et la région arabe a une grande potentialité, selon des experts. Actuellement, des progrès ont été déjà faits dans la coopération économique entre les deux régions, qui comprennent les entretiens pour un traité commercial entre le Marché commun du Sud (Mercosur) et Maroc, et un accord sur les tarifs préférentiels que le bloc négocie actuellement avec l’Egypte.
Les autorités brésiliennes ont également estimé que l’Amérique du Sud était une destination idéale pour les investissements arabes. Pour les pays arabes, le Mercosur constitue une excellente opportunité pour la diversification de leurs échanges et l’accès à de nouveaux marchés. Signifiant une nouvelle fois la faillite des utopies panarabes, elle entend vouloir impulser des vecteurs d’échanges économiques bien structurés, en lieu et place de la Ligue arabe réduite à une simple tribune d’idées et de discours par son échec à générer une unité et à résoudre le conflit avec Israël.
Les deux ensembles entendent donc se rapprocher pour travailler au développement, en exploitant leurs immenses potentialités et leurs richesses naturelles. Si le soja ou le café brésilien atteignent bien des pays du Maghreb et du Proche-Orient, les hydrocarbures ou les dattes de cette région du monde parviennent, inversement, jusqu’aux ports des rivages centraux du sud-ouest de l’Atlantique, du côté de Rio de Janeiro, Recife, Belem, Santos, Vitoria, Porto Alegre ou autres. Les enjeux touristiques sont également prégnants. Peter Demant, professeur des relations internationales à l’Université de Sao Paulo, a dit que le Brésil organisait ce sommet pour des raisons culturelles, près de huit millions de Brésiliens étant d’origine arabe. L’Algérie et le Brésil, en tant que pays émergents, jouent ainsi des rôles axiaux, non seulement dans leurs régions respectives, mais aussi sur l’ensemble de la scène internationale, comme cela est le cas en ce qui concerne le débat sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. « L’Algérie est un pays qui a toujours beaucoup lutté en faveur des pays en voie de développement », a souligné le ministre d’Etat brésilien des relations extérieures et envoyé spécial du chef de l’Etat fédéral du Brésil, Celso Luiz Nunes Amorim, à l’issue de l’audience que lui accordée le président Abdelaziz Bouteflika le 26 février dernier. Cette rencontre s’inscrivait dans le prolongement de la promotion des relations bilatérales et des échanges commerciaux entre l’Algérie et le Brésil. Les échanges commerciaux entre les deux pays se sont élevés en 2004 à 2,3 milliards de dollars, dont 1,9 milliard de dollars d’exportations algériennes vers le Brésil. De ce fait, l’Algérie est le premier partenaire économique arabe du Brésil et le second en Afrique derrière le Nigeria.
Dix-sept chefs d’Etat ont accepté l’invitation et confirmé leur présence à ce sommet. Sur les vingt-deux membres de la Ligue arabe, huit ont confirmé leur participation au plus haut niveau de représentation (les rois du Maroc et de Jordanie, l’émir du Qatar et les présidents d’Algérie, d’Irak, de l’Autorité palestinienne, des Comores et de Djibouti). La Syrie, Bahrein et les Emirats arabes unis seront représentés par leur Premier ministre, l’Egypte, la Mauritanie, le Soudan, la Tunisie par leur chef de la diplomatie. La présence du secrétaire général de la Ligue arabe, l’Egyptien Amr Mussa, a été confirmée, de même que celle, côté sud-américain, de dix des douze chef d’Etat invités, ceux de l’Equateur et du Surinam ayant des empêchements.
Cette forte participation montre que la nouvelle organisation régionale qui tend à se mettre en place complète les efforts américains en Méditerranée. Des deux côtés de l’Atlantique, beaucoup sont des alliés des Etats-Unis, souvent de très longue date. La mise en place de zones de libre-échange est l’un des piliers de la politique américaine. Initiées entre janvier 2003 et mars 2004, les négociations avec le Maroc ont été menées parallèlement à la guerre américaine contre l’Irak et à l’initiative brésilienne. Sa ratification par le Parlement est prévue pour le mois de juin prochain. Le Maroc deviendra ainsi, après la Jordanie, le deuxième pays du monde arabe à conclure un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. A vrai dire, cet accord de libre-échange compte peu pour les Etats-Unis au point de vue financier et économique (pour l’heure, les échanges commerciaux avec les USA représentent 4,7 % du commerce extérieur marocain, contre 56,9 % avec l’Union Européenne).
L’objectif essentiel est plutôt le renforcement de l’influence politique américaine dans la région, en contre-poids de celle exercée par l’Union européenne. En échange, le Maroc peut espérer un appui américain sur la question du Sahara, mais sans doute a-t-il sous-estimé l’attraction exercée par l’Algérie, qui a à son tour opéré le tournant libéral. Le projet de Grand Moyen-Orient soumis à la discussion du G8 de novembre 2004 reprend pratiquement tous les aspects du Middle East Partnership Initiative qui constitue un cadre de partenariat entre les Etats-Unis et les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord mis en place depuis 2002 et qui constitue le volet économique et social de la politique américaine dans la région.

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