20.6.05

Crise européenne

L’Europe est-elle en crise ? L’échec budgétaire de ce week-end entame certes le bilan de la meilleure présidence tournante depuis longtemps. Mais il ne signifie pas pour autant la fin du rêve européen, même si la présidence britannique, dans quinze jours, risque d’être la pire que l’on ait vue de mémoire d’observateur. Qu’annoncera Tony Blair, Premier ministre britannique, dans son discours de « politique générale » ? On le saura jeudi. Mais ce 23 juin, Jean-Claude Juncker ne sera pas présent. Fête nationale luxembourgeoise oblige. Prétexte éminemment commode pour cacher son désarroi après le double non franco-hollandais à la constitution et le double non britannique-français à un accord sur le rabais Thatcher.
La crise qui a éclaté au sein du Conseil européen, vendredi soir, est « grave » et « historique », dit-on à Bruxelles. « On touche le fond »,, concèdent même plusieurs diplomates. Le chef de la diplomatie européenne Javier Solana se fait très discret. Quant au président en exercice, Jean-Claude Juncker, il ne cesse de répéter : « J'ai eu honte ! Quand j'ai entendu les nouveaux pays membres, tous plus pauvres les uns que les autres, dire que, dans l'intérêt d'un accord, ils seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences, j'ai eu honte ! »
La construction européenne est sans cesse passée par des étapes douloureuses. La brouille entre Jacques Chirac, et Tony Blair n’a rien à voir avec l’Irak où avec la prétendue faiblesse du président français. Elle se rapproche plutôt de la drôle de relation entre François Mitterrand et Margaret Thatcher. A l’égard de l’actuel chef du gouvernement britannique, l’ancien Premier ministre français n’a pas eu de mots aussi crus qu’avec la négociatrice du chèque britannique. La quête avait été aussi longue (1979-1984) que dure. A cette époque-là, les observateurs disaient aussi que l’Europe était dans une impasse. Londres avait déjà les yeux de Chimène pour Washington. Déjà était en question le leadership de l’Europe. Le vieux singe français avait alors pu compter sur un constant soutien allemand. Mais Helmut Kohl a quitté le pouvoir, non sans avoir au préalable réunifié l’Allemagne. La place de ce pays est tout encore des années 1990, depuis que l’Union a absorbé la Pologne et les pays Baltes.
A lire géopolitique ment la crise actuelle, la France devrait pouvoir compter sur la pérennité du lien Paris-Berlin. Que ce soit avec Gerhard Schröder, aussi fragilisé que Jacques Chirac, ou avec Angela Merckel… Bien sûr, l’Allemagne n’a pas suivi la France sur la politique agricole commune. Mais elle ne s’y est pas opposée, comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, et les abstentionnistes, l’Espagne et le Danemark. De même, Jacques Chirac peut compter sur l’appui du Luxembourg. Mais ce sont bien les seuls. Les dix nouveaux Etats-membres, qui ont annoncé, à la surprise générale, qu'ils étaient prêts à rendre l'argent qui leur était dû pour boucler un accord, restent, sur le fond, des alliés stratégiques de Londres et de Washington, dont ils apprennent tout juste à se distancer. « Nous sommes arrivés à un moment pathétique », a déclaré le président français, prêt à rejeter la responsabilité de cette tragédie « shakespearienne » sur Tony Blair.
L’isolement de la France n’est, à n’en pas douter, que conjoncturel. Comme la crise de l’Europe. Reste à voir la politique de la Grande-Bretagne à la présidence de l’Union…

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