20.6.05

Une coalition antisyrienne en passe d'obtenir la majorité au Parlement libanais

LEMONDE.FR | 19.06.05 | 16h26 • Mis à jour le 20.06.05 | 09h22

Si cela est confirmé, la date du 19 juin devrait marquer la première victoire des antisyriens aux législatives depuis la guerre civile de 1975-1980 : l'alliance conduite par Saad Hariri, fils de l'ancien premier ministre assassiné, était en passe, lundi matin, d'obtenir la majorité absolue au Parlement, après avoir remporté une victoire confortable dans la dernière phase des législatives.
Selon un décompte non officiel des suffrages dans le nord du Liban, où se déroulait la dernière phase de ces élections étalées sur quatre dimanche consécutifs, l'alliance à dominante musulmane emmenée par M. Hariri rafle la totalité des 28 derniers sièges à pourvoir, que briguaient 100 candidats. Ses rivaux ont reconnu qu'ils s'acheminaient vers une défaite.
La coalition de M. Hariri, 35 ans, avait besoin de 21 des 28 sièges du Liban nord pour obtenir cette majorité. Lors des trois premières étapes du scrutin, lui et ses alliés avaient obtenu 44 sièges, la coalition chiite Amal-Hezbollah 35, et le général Aoun et ses alliés prosyriens 21.
Nous nous acheminons vers une victoire écrasante dans le nord du Liban. Nous allons facilement obtenir les 21 sièges nécessaires pour avoir la majorité au Parlement", a déclaré un responsable de cette coalition baptisée "Courant du futur". Les résultats officiels ne devraient cependant pas être connus avant lundi soir.
"Les résultats définitifs montrent que nous sommes en tête, et que les gens ont voté en faveur du changement", a déclaré Saad Hariri dimanche soir. "Il était impossible que rien ne change après le martyre de Rafic Hariri et le retrait de la Syrie", a-t-il ajouté, faisant référence à l'assassinat de son père en février dernier à Beyrouth.
Le dirigeant chrétien prosyrien Souleiman Frangié a reconnu que ses candidats s'acheminaient vers une défaite. "Ce que nous craignions est en train de se passer. Je pense que le Nord a été divisé selon des clivages communautaires", a dit M. Frangié à la station de télévision LBC.
La campagne électorale s'était illustrée par un échange d'accusations entre les deux camps, notamment l'achat de voix et l'incitation à un vote communautaire. Souleiman Frangié a accusé M. Hariri et ses alliés d'avoir "payé 35 millions de dollars (environ 28 millions d'euros) ces trois derniers jours" pour des votes.

FORTE PARTICIPATION

Le taux de participation s'est élevé à 49 %, contre 40 % lors du dernier scrutin de 2000, selon les premières estimations officielles. Dans la ville à majorité sunnite de Tripoli, chef-lieu du Liban nord, le taux de participation s'établissait à 42 %. La participation était élevée dans les localités à majorité chrétienne : 51,64 % à Batroun, 51,58 % à Koura et 46,32 % à Zghorta. Le taux de participation ne reflète pas entièrement la réalité car il est calculé sur la base des listes électorales qui englobent des centaines de milliers de Libanais émigrés, mais qui ne peuvent voter hors du Liban.
Les bureaux de vote ont ouvert à 7 heures. Dès les petites heures du matin, des cortèges de voitures pavoisées de portraits de MM. Hariri et Aoun sillonnaient les routes du Liban nord. Le candidat Gebrane Bassil, gendre du général Aoun, a noté l'"enthousiasme" des électeurs et les a appelés à voter pour "le changement". Ahmad Fatfat, candidat de la liste Hariri, a estimé que la participation était "bonne". A Bécharré, la candidate Sittrida Geagea, épouse du chef emprisonné du parti des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a qualifié d'"historique" le taux de participation dans cette localité, évalué à 50 % à la mi-journée.
Le scrutin, qui s'est déroulé pour la première fois en présence d'observateurs européens, et sous forte présence sécuritaire, a été émaillé d'une série d'incidents. A Tripoli, les forces de l'ordre ont arrêté un homme qui portait une grenade. Un inconnu, circulant à bord d'une voiture, a tiré en l'air, provoquant une riposte des soldats sur place, a annoncé l'Agence nationale d'information. Des partisans des deux camps en sont venus aux mains, brisant des vitres de voitures, et obligeant les forces de sécurité à intervenir.

DES ÉCHÉANCES ÉPINEUSES

Quelle que soit l'issue du vote, les alliances incertaines qui se sont nouées ont de grandes chances de se fissurer une fois les résultats connus. Le premier test interviendra dès cette semaine lors de l'élection du président de l'Assemblée nationale, qui revient traditionnellement à un chiite.
Le sortant Nabih Berri, chef de file d'Amal et proche allié de Damas, est donné favori. Mais plusieurs alliés de Saad Hariri ont fait savoir qu'ils ne voteraient pas pour M. Berri, dont l'alliance nouée avec le Hezbollah a fait le plein des voix chiites.
Les députés doivent également désigner un nouveau premier ministre, un poste réservé à un sunnite, afin de former un gouvernement pour succéder à l'équipe sortante de Najib Mikati.
La victoire, dimanche, de Saad Hariri en fait un candidat logique de premier plan pour cette charge. Mais l'intéressé, qui n'est âgé que de 35 ans, a conservé jusqu'ici le silence le plus complet sur ses intentions en la matière.
Les vainqueurs devront en outre se pencher sur des questions épineuses, comme celle du devenir du président prosyrien, Emile Lahoud, ou encore le désarmement du Hezbollah, réclamé par la communauté internationale.

Avec AFP et Reuters

Aucun commentaire: