28.6.05

Italie : Europol traque les agents de la CIA

Mandat d'arrêt européen lancé

Rome : Richard Heuzé
[Le Figaro, 28 juin 2005]

Depuis hier, toutes les polices d'Europe font la traque aux treize agents de la CIA qui auraient enlevé en Italie le 17 février 2003 un imam égyptien soupçonné de terrorisme pour le livrer à la police de son pays.
Le mandat d'arrêt lancé par le parquet de Milan a été transmis au bureau de coordination judiciaire d'Eurojust, l'organisme européen chargé de le mettre en application. De son côté, Europol, qui assure la coordination des polices européennes, a reçu la fiche signalétique des treize agents, dix hommes et trois femmes, assortie des photocopies des passeports déposés dans les hôtels milanais où ils sont descendus.
Comme Le Figaro l'indiquait le 19 février, le commando dirigé par le résident de la CIA en Italie, Robert Seldon Lady dit Bob, consul américain à Milan, n'a guère été discret. Les magistrats italiens n'ont eu aucun mal à le suivre à la trace. Il a payé en cartes de crédit ses notes dans les meilleurs hôtels de Milan (120 000 euros) ainsi que la location d'une fourgonnette et de deux voitures. Au moment de l'enlèvement, il a utilisé dix-sept téléphones portables, dont une demi-douzaine habituellement en dotation à l'ambassade des États-Unis à Rome où des appels ont été passés, ainsi qu'en Virginie, siège de la CIA. La mission terminée, le commando a fait la fête à Venise, dans un hôtel de luxe sur le Grand Canal. Puis deux couples ont prolongé leur séjour, l'un à Bolzano, l'autre à La Spezia.Ce manque élémentaire de précaution peut s'expliquer par l'impunité dont ils croyaient bénéficier en Italie, pays ami. Le premier ministre égyptien Ahmed Nazif a fait preuve de la même «naïveté» en reconnaissant devant les caméras de la NBC américaine que la pratique des «livraisons» d'éléments jugés indésirables et enlevés à l'étranger est «désormais admise et officialisée» : «Je n'en connais pas le nombre. Disons qu'il y a eu entre 60 et 70 cas», dit-il dans cette interview qui figure parmi les preuves à charge du parquet de Milan.
Quant au kidnappé, Omar Abou, une «tête brûlée» en relation avec le mouvement terroriste Hizb al-Tahrir, ses proches ont pu le voir «il y a quelques jours» à la prison al-Tora du Caire où sont internés les détenus politiques. C'est du moins ce qu'affirme Abdelhamid Shari, directeur d'un institut islamique de Milan avec qui il était en étroit contact : «Il est vivant et confirme qu'il a subi des tortures.»
Après son enlèvement, Abou Omar a été conduit en camionnette à la base militaire américaine d'Aviano (Frioul). Il a été embarqué dans un Learjet militaire pour la base de Ramstein, en Allemagne. D'où il est aussitôt reparti à bord d'un GulfStream affrété par la CIA pour Le Caire. Incarcéré à al-Tora et torturé, il a été libéré le 19 avril 2004 sur la promesse de ne pas parler. Huit jours plus tard, il retournait en prison, sans que l'on sache pourquoi.

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