30.6.05

Le bilan de la présidence luxembourgeoise terni par la crise européenne

LEMONDE.FR | 30.06.05 | 13h32 • Mis à jour le 30.06.05 | 14h02

Le pacte de stabilité et de croissance enfin réformé

Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne entérinent, le 22 mars, la réforme assouplissant le pacte de stabilité. Cet accord met fin à un difficile débat entamé plusieurs années auparavant, depuis que l'Allemagne et la France ont laissé leurs déficits filer au-delà de la barre autorisée.
Le nouveau pacte prévoit d'accorder, dans certaines conditions, des circonstances atténuantes aux pays dont le déficit dépasse temporairement la barre des 3 % du PIB, tout en restant proche de cette valeur de référence. Le déficit d'un pays ne doit pas être déclaré "excessif" s'il consent un effort important en matière de recherche et de développement et de réformes structurelles. Les Etats membres pourront faire valoir d'"autres facteurs" (dont l'aide au développement) pour bénéficier de la mansuétude de leurs partenaires européens, et notamment d'un délai plus long pour corriger le tir.
Le pacte de stabilité est doté d'un volet "préventif" qui manquait complètement dans sa première version. Les Etats membres devront réduire leurs déficits en période de "vaches grasses" et l'endettement se verra accorder plus d'importance, sans objectifs contraignants. Une simple période de stagnation permettra aussi à un pays d'invoquer des "circonstances exceptionnelles", actuellement définies comme une récession de 2 % du PIB, afin d'échapper à toutes les sanctions prévues par le pacte de stabilité.

Relance de la stratégie de Lisbonne

Les Vingt-Cinq décident, le 23 mars, de relancer les politiques destinées à conforter la compétitivité de l'Union européenne. En constatant que le bilan des cinq premières années du programme de réformes lancé dans l'euphorie de la bulle Internet, en 2000 à Lisbonne, est "mitigé", voire "lamentable" selon Jean-Claude Juncker, le Conseil a revu ses ambitions à la baisse. L'objectif de faire de l'Union la région la plus compétitive du monde en 2010 n'est plus affiché. Les deux autres piliers de l'ancienne "stratégie de Lisbonne", l'environnement et le social, ne sont pas abandonnés, mais ils passent au second plan.
Le Conseil européen veut se recentrer sur l'économie et orienter les efforts dans trois directions. La connaissance et l'innovation, tout d'abord : l'Union réaffirme sa volonté d'investir 3 % de son produit intérieur brut (PIB) dans la recherche (publique et privée), elle veut retenir ses chercheurs tentés par une carrière outre-atlantique. Les Vingt-Cinq veulent ensuite développer "un espace attrayant pour investir et travailler" : il s'agit de parachever le marché intérieur, en particulier dans le domaine des services. Pour faire face aux risques de délocalisation, l'idée est de mener, à la demande des Français, et des Allemands "une politique industrielle solide sur l'ensemble du territoire", précisent les conclusions du Conseil.
Enfin, les Vingt-Cinq affichent leur ambition de mettre la croissance et l'emploi "au service de la cohésion sociale", ce qui doit passer, dans un premier temps selon eux, "par le relèvement des taux d'emploi et l'allongement de la durée de la vie active, combinés à la réforme des systèmes de protection sociale". Ils veulent aussi lancer, à l'initiative du gouvernement français, un "pacte pour la jeunesse", dont l'objectif serait de soutenir la démographie, et l'insertion des jeunes dans le monde du travail, domaine dans lequel la France affiche des performances mauvaises.

Objectifs plus ambitieux pour l'aide au développement

Les 25 Etats membres s'engagent, le 24 mai, à augmenter l'aide publique annuelle au développement. L'Union s'engage à consacrer 0,56 % de son revenu intérieur brut à l'aide publique au développement d'ici 2010, et 0,70 % d'ici à 2015. L'aide devrait passer de 46 milliards d'euros en 2006 à 66 milliards d'euros en 2010. Reste à savoir si les Etats tiendront leurs promesses.

La coopération russo-européenne piétine

Le président en exercice de l'Union, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, José Manuel Barroso, et le président russe, Vladimir Poutine, réunis le 10 mai à Moscou, concluent un accord de coopération. Mais aucune avancée significative n'est enregistrée. Censé "revitaliser" le programme que Bruxelles et Moscou dessinent et redessinent depuis 2003 et dont les chapitres principaux sont la sécurité extérieure, la liberté et la justice, l'économie, la recherche et l'éducation, le sommet laisse intacts les principaux points d'achoppement.
Les accords de réadmission que l'UE voulait voir signer par la Russie pour que celle-ci accueille les migrants illégaux qui transitent, via son territoire, vers celui de l'Union, ont été renvoyés à plus tard. De " liberté et [de] justice " (liberté des médias, indépendance du système judiciaire), le plus délaissé des quatre " espaces communs " de coopération, il n'a guère été question. Le mot Tchétchénie n'a pas été prononcé une seule fois lors de la conférence de presse. Le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana, propose une fois de plus - mais sans écho - le soutien de l'Union dans la résolution des conflits (Moldavie, Géorgie, Nord du Caucase) latents dans quelques "confettis" de l'empire soviétique.

Amélioration des relations transatlantiques

La visite de George Bush à Bruxelles, les 21 et 22 février, marque un tournant dans les relations transatlantiques, éprouvées par la crise irakienne. Le président américain propose "une nouvelle ère d'unité transatlantique" et plaide pour "une communauté d'action pour faire avancer la liberté dans le monde". La coopération entre Europe et Etats-Unis comprend un volet économique et un volet diplomatique. Bruxelles et Washington appellent d'une même voix à une relance du processus de paix au Proche-Orient et blâme la Syrie pour son ingérence dans les affaires libanaises.
A cette occasion, l'Union européenne veut faire comprendre aux Etats-Unis que le dialogue transatlantique ne doit plus avoir l'OTAN pour seul cadre, mais impliquer aussi ses institutions. Le président américain se rend au siège de l'OTAN mais également au siège du Conseil, où il est reçu par les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement. Malgré la courtoisie affichée de part et d'autre, la diplomatie européenne a du mal à s'imposer.

Les non français et néerlandais

Le 29 mai, les Français se prononcent contre le projet de Constitution européenne, trois jours plus tard, les Néerlandais leur emboîtent le pas. "On n'aime pas l'Europe telle qu'elle est, et par conséquent on rejette l'Europe telle qu'elle est proposée par le traité constitutionnel", commente le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.
Les dirigeants européens tentent d'éviter que le double non français et néerlandais ne débouche sur une crise générale de l'Union. Alors que l'organisation d'un référendum en Grande-Bretagne semble être remise en cause, les appels à poursuivre les ratifications se multiplient. Le premier ministre luxembourgeois promet de démissionner si, le 10 juillet, les citoyens de son pays rejettent le projet de Constitution européenne. Il multiplie les déclarations et les entretiens avec les chefs d'Etat et de gouvernement, notamment en vue du sommet de Bruxelles sur le budget européen.

L'échec du débat financier

Le 18 juin, à Bruxelles, les Vingt-Cinq ne parviennent pas à se mettre d'accord sur les perspectives financières 2007-2013. Le refus par la Grande-Bretagne, en l'absence d'une réforme en profondeur de la structure budgétaire, d'une remise en cause du rabais obtenu en 1984 sur sa contribution au budget communautaire, le refus simultané par la France de toute révision de la politique agricole commune (PAC), qui aurait pu servir de monnaie d'échange, rendaient un accord impossible.
Jacques Chirac stigmatise "l'égoïsme" du Royaume-Uni. Même s'il s'est retrouvé plutôt isolé dans sa défense du rabais britannique et dans ses attaques contre la PAC, Tony Blair, dont le pays va prendre la présidence semestrielle de l'Union le 1er juillet, apparaît en position de force. Il souhaite un "débat fondamental" , afin de "rétablir le lien avec les gens" et de "retrouver l'idéal européen".
Très ébranlé par l'échec du sommet, Jean-Claude Juncker ne cache pas son amertume. "Je porte sur ce qui s'est passé un regard triste et honteux, confie-t-il. J'ai eu honte lorsque j'ai entendu l'un après l'autre tous les nouveaux pays membres - tous plus pauvres les uns que les autres - dire que, dans l'intérêt d'un accord, ils seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences financières."

Lemonde.fr avec AFP

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