Selon les observateurs, la crise actuelle s’inscrit dans la longue durée. S’il est clair que l’Europe occidentale a mal affronté les bouleversements des trois dernières décennies (révolution des techniques de communication, mondialisation du système économique, unilatéralisme des Etats-Unis…), il ne faut peut-être pas y voir là la raison de l’échec du texte constitutionnel. Le référendum français du 29 mai dernier n’est en rien le vote de l’Assemblée nationale du 30 août 1954. Il ne faudra pas trente ans pour surmonter cet échec ! Le traité de Nice marque toujours l’existence de l’Union. Certes, il sera difficile pour la France d’obtenir un nouveau texte aussi favorable pour elle. Mais la construction politique nécessite-t-elle encore des démonstrations d’égoïsme national ? A en croire la querelle sur le rabais britannique, il est à craindre que oui. Et l’on touche là la véritable crise européenne.
L’Europe n’est pas comme anesthésiée par la belle réussite des Trente Glorieuses, même si ses trois fondateurs (Allemagne, France et Italie) sont aujourd’hui enlisés. Des douze Etats de la zone euro, seul un tiers (soit quatre) respectent à peu près les disciplines du Pacte de stabilité et de croissance. La vitrine économique est cassée, non parce qu’elle ne procure pas le plein emploi, ou parce que la constitution n’était pas assez sociale. Elle ne fait plus rêver parce qu’elle n’a pas su intégrer une dimension politique.
L’élargissement à l’Est n’a guère mobilisé les foules. Il n’a pas vraiment été compris et a largement été exploité contre la Turquie : le premier article présentant l’ouverture aux dix nouveaux entrants, au printemps 2002, a été consacré à ce seul pays, présenté comme un danger… son auteur était Valéry Giscard d’Estaing. Mais le danger, comme la vérité, était ailleurs. L’Union manquait de cohésion interne pour se permettre une telle ouverture. Certes, elle est une chance historique de faire un apprentissage maîtrisé de la mondialisation. Mais l’Europe n’a pas su créer un modèle cohérent, alliant économie, politique et culture… comme l’ont fait depuis longtemps les Etats-Unis. Au temps de leur intégration nationale, les Etats-Unis représentaient déjà un modèle. L’Europe a cessé d’en être un avec la chute du mur de Berlin. Le redémarrage du projet européen dépend d’abord des Etats membres, de leurs réformes, et non de leurs populations. L’Union européenne doit créer du travail. Mais elle doit aussi devenir consensuelle. Elle doit parler aux cultures diverses du continent autrement que par le négatif. S’il est difficile de connaître réellement la signification des « non » français et néerlandais, il était difficile de définir réellement l’Europe. Elle-même se définit volontiers comme n’étant ni nationale, ni internationale, ni anglo-saxonne… L’Europe ne peut faire l’économie du grand débat que jusqu’à présent elle a rejeté. Il lui reste à faire émerger les hommes politiques qui sauront lui expliquer ce nouveau monde dans lequel elle est appelée à vivre. Jean-Claude Junker pourrait l’être… Même si son chantage au peuple luxembourgeois tendrait à le disqualifier.
15.6.05
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