21.6.05

Saad Hariri promet des changements aux Libanais

LIBAN Le leader de l'opposition antisyrienne devient le nouvel homme fort du pays

Beyrouth : Sibylle Rizk
[Le Figaro, 21 juin 2005]

En remportant haut la main la quatrième et dernière phase des élections législatives, dimanche, Saad Hariri s'est assuré une majorité absolue au Parlement libanais. Il devient le nouvel homme fort du Liban, marchant sur les traces de son père, Rafic Hariri, assassiné en février.
Sa domination n'est toutefois pas totale. Au lieu des 90 sièges qu'il comptait partager avec ses partenaires de l'opposition antisyrienne, il n'en obtient finalement que 72 sur 128. Les partis chiites prosyriens Amal et Hezbollah se partagent 35 sièges, tandis que le général Michel Aoun, invité surprise de la nouvelle Chambre, dirige un bloc de 21 députés.
Si le druze Walid Joumblatt a consolidé avec Saad Hariri l'alliance nouée depuis des années avec son père, la composante chrétienne de la coalition cristallisée par l'assassinat de Rafic Hariri s'est en revanche divisée peu après le retrait des troupes syriennes, fin avril.Les Forces libanaises, le parti dont le chef Samir Geagea purge sa onzième année de prison pour avoir refusé l'ordre syrien au Liban, ainsi que Kornet Chehwan, le rassemblement créé sous la houlette du patriarche maronite contre la tutelle de Damas, ont constitué des listes communes avec Hariri et Joumblatt.
Michel Aoun, lui, a préféré faire cavalier seul, estimant que ses partenaires de l'opposition ont mal évalué sa popularité réelle. Lors de la troisième phase des élections, il a ainsi obtenu deux fois plus sièges que ne lui offrait la coalition dans le cadre de listes communes. Mais si la victoire du «général» est incontestable dans les circonscriptions chrétiennes, il n'a pas réussi à s'imposer dans les zones mixtes, se retrouvant d'une certaine façon piégé dans le rôle d'un leader chrétien, alors que son discours laïque est à vocation nationale.
Dimanche, le Nord ne lui a pas davantage souri. L'électorat chrétien dans les régions de Batroun, du Koura ou de Zghorta, n'a pas fait le poids face aux sunnites, plus nombreux, de Tripoli, majoritairement acquis à Saad Hariri. L'unique espoir de Michel Aoun était que l'abstention musulmane soit assez forte pour permettre au vote chrétien de faire la différence. Pressentant le danger, Hariri a installé son état-major pendant une semaine dans un hôtel de la capitale du Liban-Nord, pour mener sa campagne au plus près du terrain. Ses adversaires l'accusent d'avoir dépensé un argent fou pour garantir son succès, y compris à travers l'achat de voix.
Le nouveau leader sunnite fait au contraire valoir la popularité de ses mots d'ordre : «réconciliation nationale» et «changement». Le premier a consisté pour les électeurs musulmans à «tourner la page du passé» en acceptant de voter pour les candidats des Forces libanaises. Quant au «changement», il signifie exclure du Parlement toutes les figures de l'ère syrienne. Dans l'esprit de Saad Hariri, les cibles n'étaient pas seulement les «créations» de Damas sans aucune représentativité locale, mais aussi des personnalités telles que Sleiman Frangié et Omar Karamé, respectivement ministre de l'Intérieur et premier ministre au moment de l'assassinat de son père.
Michel Aoun, qui s'est associé à Sleiman Frangié dans le Nord, dénonce cette vision des choses. Selon lui, Rafic Hariri et Walid Joumblatt ont été pendant 15 ans les principaux alliés de Damas, sans compter qu'aujourd'hui, ils n'hésitent pas à s'allier à d'autres partis prosyriens : Amal et Hezbollah. Le général Aoun, qui se pose en nouveau chef de l'opposition parlementaire, estime que le véritable changement passera par la lutte contre la corruption.
Incontestable leader du nouveau Parlement, Saad Hariri, qui pourrait aussi diriger le gouvernement, le poste étant réservé à un sunnite, est d'ores et déjà confronté à de très gros défis. Le premier consistera à proposer une nouvelle loi électorale. C'est en tout cas la première recommandation «urgente» de la mission d'observation européenne, chargée de remettre un rapport sur le déroulement du premier scrutin organisé au Liban libéré des ingérences syriennes. Le second sera de concilier les exigences américaines concernant le désarmement du Hezbollah, avec les promesses électorales faites au parti de Dieu. Le troisième enfin sera de trouver une solution à l'endettement abyssal dont souffre le pays.

Aucun commentaire: