4.7.05

Coopération en matière de renseignement

Au lendemain des événements du 11 septembre 2001, les Etats-Unis en avaient appelé à une meilleure collaboration en matière d’échange de renseignement. L’appel était même présent à destination de la France, dont les ressources anti-terroristes sont sans commune mesure avec celles des services du reste du monde occidental, Etats-Unis inclus. Au printemps 2002, une structure UKUSA + F était opérationnelle. C’est celle que vient de révéler hier, dimanche 3 juillet, par le Washington Post. Sous le nom d’« Alliance base »., dont le nom aurait été choisi, selon un acteur français du monde du renseignement interrogé par Le Figaro ce matin, « en référence à l’organisation de Ben Laden dont le nom signifie la base », est coordonnée par un général français, ancien chef de poste de la DGSE à Washington. Installée à Paris, elle a pour mission d’« analyser les mouvements transnationaux des terroristes suspects et lancer des opérations pour les capturer ou les espionner ». Quatre autres pays collaboreraient au dispositif : la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada et l’Australie.
Cette coopération, qui n’a rien d’exceptionnelle, a notamment permis d’interpeller, le 3 juin 2003, un Allemand converti à l’islam, Christian Ganczarski, considéré comme « l’un des plus importants membres européens d’al Qaïda vivants » et depuis incarcéré en France, selon le Post. Ce ressortissant allemand, converti à l’islam, avait embarqué en Arabie saoudite sur un vol Air France à destination de Paris. Son visa de pèlerinage était expiré. Paris sera sa dernière escale. Le comité d’accueil qui l’attend à la sortie de l’avion comprend un agent de la CIA. Selon le Post, Ganczarski est conduit dans une cellule, où il séjourne toujours pour suspicion d’association avec une entreprise terroriste.
« Alliance base illustre comment la plupart des opérations de contre-terrorisme sont désormais menées : via des alliances secrètes entre la CIA et les services de renseignement d’autres pays », explique le quotidien. Dans son cas, elle s’appuie sur les « forces des deux parties » : la CIA apporte ses moyens, notamment financiers, et son réseau mondial ; la France « ses lois sévères, sa surveillance des groupes musulmans radicaux et ses réseaux dans les pays arabes » et dans ses anciennes colonies, précisent des responsables au Post. Mais elle « n’est pas une structure formalisée, avec organigramme et locaux, poursuit ce spécialiste, mais un centre d’échanges plus poussés que d’ordinaire. Des agents dédiés des six pays peuvent se réunir quotidiennement à Paris, sans avoir besoin de prendre l’avion. Par contre, il s’agit plus d’échanges bilatéraux ad hoc que d’un vrai partage multilatéral. (…) Il ne faut pas imaginer un schéma classique, avec un chef, une mission, des moyens, confirme un ancien responsable de la DGSE, cela ne correspond ni aux méthodes américaines ni aux françaises. Je ne crois guère non plus à des opérations de recherche communes. Il faut plutôt voir des canaux permettant de mettre dans le pot commun des informations.» Il rappelle que ce type de coopération en matière de renseignement fonctionne depuis longtemps à merveille avec les Britanniques, contrairement aux affaires de police ou de justice. «Avec les Américains, cela a en effet bien changé depuis 2001. Avant, c’était franchement pénible...» Washington se serait résolu à profiter de l’expérience française des réseaux islamistes.
Interrogés par le Post, des responsables américains du renseignement se félicitent de l’excellente coopération entre les deux pays contre le terrorisme malgré les tensions créées par la guerre en Irak. C’est l’« une des meilleures au monde », souligne John McLaughlin, ancien directeur intérimaire de la CIA. Les Français « collaborent autant avec nous que les Britanniques et parfois plus, si vous le leur demandez », précise, sous le couvert de l’anonymat, un autre responsable. La France aurait ainsi interpellé quelque soixante suspects, certains avec l’aide de la CIA, depuis la fin 2001, indique un ancien de l’agence américaine.
Le ministre français de la Défense française, Michèle Alliot-Marie, a, pour sa part, reconnu, lundi matin sur la chaîne d’information en continu LCI, « une coopération très poussée avec les Etats-Unis » pour lutter contre le terrorisme. Elle a indiqué que l’article comportait « des choses vraies et des choses plus fantaisistes ». « Ce qui est vrai, c’est que nous avons une action commune avec les Etats-Unis tout particulièrement dans la lutte contre le terrorisme », a-t-elle dit en refusant toutefois d’en « détailler les structures ». « Nous avons renforcé notre coopération », a ajouté le ministre en citant « des actions de renseignement, des actions de prévention et des actions sur le terrain », notamment en Afghanistan. La France aurait notamment autorisé la CIA à utiliser une base à Djibouti pour envoyer un drone Predator ayant comme mission de tuer un responsable d’al Qaïda. Le 3 novembre 2002, six membres du réseau terroriste avaient été tués par ce moyen au Yémen.

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