5.7.05

L’Afrique à fric

Après Tony Blair et son initiative en faveur de l’annulation partielle de la dette, après Bob Geldoff et son Live 8, pour commémorer les dix ans de son Live Aid, après le sommet de Syrte pour préparer le G 8, mais plus sûrement les débats des Nations unies, voilà que le « continent oublié » refait un retour en tête des préoccupations du monde. L’Afrique, mais toujours pas le Darfour. La dette, mais toujours pas la pandémie qui ravage les pays du centre du continent autant que les guerres plus ou moins civiles. La pauvreté, mais pas toutes ces richesses, minérales ou végétales, qui suscitent les intérêts de toutes sortes, au point parfois de faire la guerre pour se les accaparer…
Plutôt que de parler d’une énième remise de la dette, qui a déjà été payée près de trois fois en quelque trente ans, plutôt que de demander encore une fois de l’argent pour l’Afrique, dans une attitude d’infantilisation qui contribuera à affamer les peuples, à enrichir les classes dirigeantes et à encourager l’hémorragie de cerveaux vers l’Europe occidentale et les Amériques, pourquoi ne pas poser clairement les choses ? Pourquoi ne pas offrir à l’Afrique sa « chute du mur », comme l’a eu l’Europe de l’Est ? L’Afrique croule sous la pauvreté, c’est un fait. Mais les raisons tiers-mondistes sont-elles vraiment les bonnes ? En cinquante ans, elles ont réussi à faire du continent que les empires coloniaux s’arrachaient dans le demi-siècle précédant un désert. Et pourtant, il ne s’est jamais autant dépensé d’argent sur cette région que pendant cette période ! Certes, les recettes monétaristes de la Banque mondiale n’ont rien fait pour arranger la situation, sinon en enserrant encore plus les économies locales dans une dépendance financière, les rendant souvent incapable de produire autre chose que de la misère et de la violence.
Peut-être que les données initiales n’étaient pas bonnes ? La guerre froide a certainement aveuglé tout le monde, et l’on n’est pas encore sorti, là pas plus qu’ailleurs, de cette logique bipolaire. L’Afrique a été prise en otage des idéologies. Les conflits chauds de l’opposition soviéto-américaine se déroulaient sur ce continent. Les aides dépendaient du camp choisi. Et de retournements d’alliances…Résultat, une opposition sur les solutions à apporter au mal récurrent qui frappe l’Afrique, le développement. Economistes et bonnes âmes de tous bords s’opposaient et, pour contenter tout le monde, de l’argent frais était envoyé en Afrique, sans se soucier vraiment de son utilisation ni de sa destination. Cela arrangeait bien les diverses parties, en premier lieu les banques occidentales et les dirigeants africains.
Personne jusqu’à présent ne s’est soucié de créer une classe moyenne. L’Europe occidentale s’est développée grâce à l’éclosion d’une classe sociale qui n’était ni riche, ni pauvre, mais entreprenante et qui créait de la richesse. Cette bourgeoisie a soutenu les évolutions économiques de l’Angleterre depuis le XVIIe siècle. La Révolution française s’est faite au nom de cette classe moyenne qui aspirait au pouvoir, au même titre que les ci-devants. Mais l’impact de l’avidité des couches supérieures n’a fait que rééditer les comportements de la noblesse. Le besoin de vengeance… Il en a été de même lorsque les idéologies se sont emparées de l’expulsion des colons : le racisme a été retourné contre les racistes, les haines raciales se sont révélées au contact de ce climat et seule une infime partie de la population africaine s’est accaparée et le pouvoir, et les richesses. Toute vie politique était limitée à des jeux de clientélisme, dont les masses étaient l’enjeu. L’objectif était de les maintenir dans un état de dépendance, que les prêts et les dons internationaux ne faisaient que renforcer. A écouter Tony Blair et Bob Geldoff ces jours-ci, on en vient à s’interroger sur la pertinence de la promotion de la démocratie de George Bush. Cela tombe bien, un de ses idéologues, l’ambassadeur Paul Wolfowitz est à la Banque mondiale. Et il s’intéresse aussi à l’Afrique…

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