11.7.05

Juncker président !

Il a réussi son pari. Après tant de « nuits de stress », comme il le disait encore samedi, il a obtenu son ultime consécration, avec d’autres assurément. Il ? Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois, qui avait refusé de prendre la tête de la Commission européenne par fidélité pour son engagement envers les électeurs, même s’il avait en tête la triste fin faite par son ami Jacques Santer… Assurément, sa présidence de l’Union européenne, les six premiers mois de cette année, restera dans les annales comme l’une des meilleures. Certes, le double « non » franco-néerlandais et la crise de nerfs britannique, tous pour des raisons intérieures plutôt qu’européenne, avaient quelque peu gâché son bilan. Mais la leçon de démocratie qu’il vient d’infliger, par-delà les limites du petit Grand-duché, à l’Europe entière est magistrale.
Certes, il avait été décevant en affirmant vouloir démissionner si le « non » l’emportait. Mais ce chrétien-démocrate a finalement été gaullien dans l’action. Il a réussi à faire palper aux électeurs luxembourgeois l’importance de la construction européenne pour le pays. Il a montré la voie du futur, sans vraiment en cacher les efforts pour y parvenir. Il a su expliquer l’Europe, cette machine à faire du vide que l’on dénonce parfois trop rapidement, à des citoyens qui n’en perçoivent pas l’importance. Pédagogue européen, Jean-Claude Juncker ne l’est pas pour son parcours à la présidence de l’Union. Ce n’est pas une conviction de circonstance, comme celles de Tony Blair ou de Jacques Chirac, pour ne pas parler de toute la classe politique française. Il sait, pour la vivre continuellement, l’Europe, sa puissance économique d’aujourd’hui qui s’asphyxie de n’être pas politique. Il sait que cette constitution, sans être essentielle pour la survie de l’Union, est néanmoins un bienfait, car elle lui apporte un peu plus de cohésion. En imposant une relecture des différents traités, et donc des différentes institutions créées, ce texte porte l’Europe sur la voie de la maturité. Il restera toujours des immatures pour renâcler contre de prétendues pertes de souveraineté… Lorsque l’on a déjà perdu l’essentiel, on se raccroche à ce qu’il reste, le superflu.
Jean-Claude Juncker n’est pas de cette trempe d’hommes. Il a l’Europe chevillée au cœur, parce qu’il est résolument tourné vers le futur. Le président de l’Eurogroupe en connaît les enjeux. Dans deux ans, son mandat arrivera à terme. Mais sa trace perdurera. N’oublions pas qu’il doit remettre, l’an prochain, un rapport sur l’avenir des relations entre l’Union et le Conseil de l’Europe. La marque de cette homme encore jeune signera encore longtemps les actes de l’Union. Et, mieux que le piteux rédacteur de la Constitution, tonton flingueur continuellement à la recherche d’un rôle depuis son plus beau succès, qui remonte tout de même à vingt et un ans, nul doute qu’il fera l’unanimité pour devenir le premier président fixe de l’Union européenne. Qui aurait pu présager que l’Europe, après avoir été vue comme unanimement franco-allemande, soit une réalité luxembourgeoise. Même la Grande-Bretagne, qui cherche depuis longtemps à contrebalancer cet équilibre continental, devrait se rallier à cette vision. Elle l’avait déjà fait en 1830…

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