7.7.05

Londres, le défi terroriste

La Croix 07-07-2005

Alors que le G8 était réuni en Écosse, plusieurs attentats ont frappé le centre de Londres, jeudi 7 juillet au matin, faisant au moins 37 morts et plus de 700 blessés. Ces attentats ont été revendiqués par une organisation islamiste peu connue qui se rattacherait à Al-Qaida. Les dirigeants réunis au sommet de Gleneagles ont souligné leur solidarité avec les Britanniques, durement touchés.

New York, Madrid et, aujourd’hui, Londres. Une nouvelle capitale occidentale est attaquée en son cœur. Et aussitôt des visages en sang. Des corps sur des brancards. Les mêmes scènes d’horreur défilent en boucle sur les écrans de télévision du monde entier. Jeudi 7 juillet au matin, à l’heure de pointe, des explosions multiples ont touché les transports londoniens. Le sol a tremblé sous l’effet de six déflagrations dans le métro. Et un bus a explosé.

Il pourrait y avoir «au moins 40 morts», selon un responsable des services de sécurité américains à Washington. Les autorités américaines ont été informées du bilan de 40 morts par leurs homologues britanniques, a-t-il précisé. Le ministre de l’intérieur italien, Giuseppe Pisanu, a lui évoqué «au moins 50 morts». Jeudi, en fin d’après-midi, le bilan officiel provisoire faisait état de 37 morts, 45 blessés graves et 700 blessés légers pour les seuls attentats du métro.

La première explosion s’est produite à 8 h 49 heure locale (9 h 49 en France) dans la station de métro de Liverpool Street, quartier financier du centre de la capitale, aussitôt quadrillé par les forces de l’ordre. D’autres déflagrations ont été signalées à Edgware Road, King’s Cross et Aldgate East and Moorgate, a précisé Scotland Yard. Toutes les rames du métro de Londres ont été arrêtées. À peu près au même moment, une autre explosion frappait un autobus à Tavistock Place, près de Russel Square, dans le centre-ville.

Pour Blair, «il y a eu une série d’attaques terroristes»
Un témoin, interrogé par la BBC, qui était à proximité de Tavistok Square, a «vu au moins cinq personnes sauter depuis l’impériale du bus pour s’enfuir». Ayobami Bellon, 46 ans, est encore sous le choc. «L’arrière du bus a été complètement soufflé. Un corps pendait. Il y avait d’autres corps sur la route, amputés des bras et des jambes. C’était horrible», a-t-il déclaré à l’agence britannique Press Association.

Andy, lui, se trouvait dans le métro entre King’s Cross et Russel Square, quand il a entendu une forte explosion, qui a fait dérailler le train. «Il y avait beaucoup de fumée, pas de feu mais une fumée très oppressante. Beaucoup de blessés, notamment beaucoup de blessures à la tête», raconte-t-il à la BBC.

Les plans d’urgence mis au point par les autorités britanniques en cas d’attentats terroristes semblent avoir été déclenchés très rapidement. À la police et aux services de santé est venue s’ajouter l’armée. Tous les transports en commun, notamment les lignes de métro, ont été arrêtés. Le ministre de l’intérieur, Charles Clark, a déconseillé à toute personne de se rendre à Londres si cela n’était pas vraiment nécessaire.

Un peu plus de trois heures après l’attentat, le premier ministre Tony Blair apparaissait sur les écrans de télévision en direct du sommet du G8, à Gleneagles. «Il est raisonnablement clair qu’il y a eu une série d’attaques terroristes à Londres, déclarait-il. Il y a de toute évidence des victimes, des personnes qui sont mortes et grièvement blessées. Nos pensées et prières sont bien sûr avec les victimes et leurs familles.» Il s’est rendu ensuite à Londres mais devait revenir ensuite au sommet du G8.

Comme si cet événement n’était pas vraiment une surprise
Les attentats sont intervenus au lendemain de l’attribution des Jeux olympiques de 2012 à Londres. La station de métro de Stratford, qui dessert le quartier où sera construit le village olympique, a donc, elle aussi, été évacuée par mesure de précaution.

Par ailleurs, le ministre israélien des finances, Benjamin Netanyahou, devait participer, ce même jour, à une réunion d’investisseurs dans un hôtel situé au-dessus d’une des stations touchées, a noté l’un de ses collaborateurs, Oren Helman. La déflagration se serait produite «au moment même où la réunion d’hommes d’affaires intéressés par les investissements en Israël était censée commencer», a-t-il précisé.

Aymeric Forest, jeune français gestionnaire de portefeuilles pour une banque d’affaires à la City, travaille près d’une station où s’est produite une explosion. Sa voix est calme. Par sa fenêtre, il observe que les gens convergent vers le lieu du drame, mais qu’il n’y «a pas de panique». Autour de lui, ses collègues «continuent de travailler». Toutefois, quand Tony Blair fait sa première déclaration, une centaine de personnes s’attroupent autour du poste de télévision.

Pour lui, tout se passe comme si cet événement n’était pas vraiment une surprise. «À un moment ou l’autre, on savait que cela arriverait car Londres était une cible», explique-t-il, en se souvenant que les attentats sur le sol américain du 11 septembre 2001 l’avait davantage touché. Du fait, peut-être, de l’effet «surprise» !

Un peu comme à New York, un élan de solidarité a traversé la ville
Pour Ekim Bireroglu, jeune chercheuse britannique de 26 ans, les auteurs des attentats ont avant tout voulu «déstabiliser» son pays. Son unité. Sa force économique. Mais, jeudi, autour d’elle, l’ambiance n’était pas aux supputations ni aux analyses politiques. Le principal souci pour les rares personnes, qui comme elle, avaient réussi à se rendre au travail, était de pouvoir rentrer chez elles le soir. «Certaines personnes ont réservé des chambres d’hôtels. Pour ma part, on devrait venir me chercher en voiture. Sinon, je rentrerai à pieds. Mais c’est trois heures de marche...» Penser pratique pour ne pas céder à l’émotion.

Après les attentats, le centre de Londres était transformé en ville fantôme. De rares passants, certains commerces fermés. Aucun transports en commun ne fonctionnait. Les taxis étaient introuvables. Presque aucune voiture ne circulait, à part quelques véhicules de police. Même les quartiers les plus touristiques – Trafalgar Square, Picadilly Circus, Oxford Circus – étaient quasiment déserts. «Je n’arrive pas à y croire. J’ai l’impression que la ville est morte», s’étonnait une jeune fille à Aldwych, près du marché touristique de Covent Garden, interrogée par l’Agence-France-Presse.

Le réseau des téléphones mobiles a été rapidement saturé après la catastrophe, le mail a été abondamment utilisé. Aymeric raconte, par exemple, qu’il a reçu une trentaine de mails de copains de son club de football en France. Un peu comme à New York, après l’effondrement des tours, un élan de solidarité a traversé la ville. Autre point commun avec l’attentat du 11 septembre 2001, les médias britanniques se sont montrés soucieux de ne pas montrer d’images des corps grièvement blessés.

Aude CARASCO

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