16.8.05

George Bush recycle le 11 Septembre pour justifier l'intervention militaire

Alors que la ville de New York vient de rendre publics les témoignages des pompiers

G. F.
[Le Figaro, 16 août 2005]

«Je sentais la chaleur. Je me suis dit waouh, je prends feu... Voilà ce que ça fait de prendre feu...» Les souvenirs saisissants de Renae O'Carroll, urgentiste à New York le 11 septembre, sont issus des 12 000 pages de témoignages collectés auprès des secours dans les semaines qui ont suivi les attaques contre le World Trade Center. Après plus de trois ans d'une bataille juridique menée par le New York Times et des familles de victimes, qui voulaient avoir accès aux documents, la ville de New York les a rendus public sur plus d'une vingtaine de cédéroms, où sont aussi gravées des dizaines d'heures d'enregistrements d'appels de détresse et de communications radio chaotiques.
Depuis quelques jours, les médias américains en égrènent des extraits. Après avoir diffusé quelques enregistrements très émouvants, une chroniqueuse conservatrice de la chaîne d'information MSNBC a conclu : «Hé bien... si nous avions besoin de nous rappeler pourquoi nous menons cette guerre...» Elle n'est pas la seule à faire cette association, bien que le rapport de la Commission d'enquête du 11 Septembre ait déjà établi l'absence de lien entre le 11 Septembre et la guerre en Irak. «Notre travail en Irak est partie intégrante de la guerre contre le terrorisme que nous menons à travers le monde. Cette guerre contre le terrorisme est arrivée chez nous le 11 septembre», disait encore, samedi, le président George Bush dans son allocution radio hebdomadaire.
Le 28 juin dernier, dans son dernier discours à la nation sur l'Irak, devant un parterre de militaires de Caroline du nord, il a mentionné cinq fois les attaques du 11 septembre. Le Pentagone force également le lien entre la guerre en Irak et la plus grande attaque jamais commise sur le sol américain : pour le quatrième anniversaire des attentats, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a décidé d'organiser une «marche pour la liberté», en souvenir des victimes du World Trade Center et en soutien aux troupes.
«Où serez-vous le 11 septembre ?», demande une publicité invitant à une marche partant du Pentagone. L'événement sera chapeauté par un concert du chanteur de country Clint Black, qui compte à son répertoire une chanson va-t'en guerre, Irak and I Roll, dans laquelle il prévient : «Et si tu te caches avec ceux de Saddam, on pourrait te trouver...» Les participants au défilé peuvent s'inscrire dès maintenant sur le site du Pentagone, qui en livre les détails et les ambitions : «Le but pour le cinquième anniversaire (des attaques), en 2006, est que chaque Etat organise sa Marche de la liberté pour que le plus grand nombre de citoyens puisse réfléchir à l'importance de la liberté.»
Ces associations d'idées forcées font grincer les dents dans les familles des victimes du World Trade Center. Parmi elles, Monica Gabrielle, une veuve du 11 septembre, souhaite «que quelqu'un dise à monsieur Rumsfeld de laisser les souvenirs du 11 septembre aux familles des victimes». Elle a soutenu la plainte déposée pour forcer la ville de New York à ouvrir ses archives et c'est à leur contenu précis qu'elle voudrait qu'on s'intéresse pour comprendre comment l'organisation des secours a fonctionné. Le reste ? «Depuis quatre ans, le gouvernement Bush utilise le 11 Septembre pour pousser ses projets politiques. Mais la seule manière de rendre hommage aux troupes, ce serait de leur dire la vérité : qu'il n'y a jamais eu de lien entre le 11 Septembre et l'Irak.»

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