30.8.05

"Le problème du Hamas n'est pas tant l'idéologie que les armes et on ne discute pas face à des armes"

Shimon Pérès, numéro deux du gouvernement israélien

LE MONDE | 30.08.05 | 13h32  •  Mis à jour le 30.08.05 | 13h39

Le retrait des colons de Gaza a été un succès mais les négociations avec les Palestiniens sur le fonctionnement de Gaza semblent progresser très difficilement, comment l'expliquez-vous ?

Nous sommes confrontés à une contradiction. Nous comprenons l'importance de la libre circulation pour les Palestiniens, surtout d'un point de vue économique. Mais nous devons tenir compte du Hamas et du Djihad islamique. L'absence totale de contrôles des biens et des personnes constituerait un problème. Il faut trouver comment combiner ces deux exigences, mais les choses avancent. Je crois que l'essentiel devrait être réglé tôt ou tard, sans doute d'ici au départ de l'armée de Gaza [au plus tard au début du mois d'octobre]. Cela va lentement avec les Palestiniens parce qu'au début ils nous disaient : "Puisqu'il s'agit d'un plan unilatéral, faites ce que vous voulez ." C'était une erreur. On ne peut pas régler les problèmes en campant sur sa fierté.

Que reste-t-il à régler ?

Pour ce qui est du port, les Palestiniens pourront commencer les travaux quand ils le voudront. Pour les points de passage, il y a celui du sud [vers l'Egypte], pour lequel on peut imaginer la présence d'une tierce partie, ce qui est ma position, ou bien un système pour que les biens et les personnes sortent librement de Gaza, à Rafah, et que nous contrôlions en revanche ce qui y entre, ce qui constitue un progrès, puisque, initialement, le passage de Rafah devait être supprimé. Il y a ensuite le point de passage des marchandises [vers Israël et la Cisjordanie], à Karni. Je pense que la technologie peut nous aider à rendre les choses plus simples. Elle a un prix, mais les Américains sont prêts à nous aider. Il y a le passage d'Erez, au nord, qui doit être perfectionné et pour lequel les Palestiniens se contentent de dire pour le moment : "C'est votre problème." Bien sûr, ces systèmes seront installés sur le territoire israélien, mais ce sont les Palestiniens qui en bénéficieront. Enfin, il y a la connexion entre Gaza et la Cisjordanie. C'est une question plus délicate et plus coûteuse. La solution que je préconise est d'utiliser une voie ferrée qui part du port d'Ashdod [au nord de Gaza] et de la prolonger [jusqu'à la Cisjordanie, à la hauteur de Hébron].

Et l'aéroport de Gaza ?

L'aéroport pose un grand nombre de problèmes : pour les contrôles, pour ce qui relève de l'espace aérien. Sa réouverture sera retardée.

Quand vous dites tôt ou tard, croyez-vous que les Palestiniens et surtout le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, peuvent attendre ?

Ils négocient, puis ils ne négocient plus. Avec eux, c'est la douche écossaise. L'une des plaies de la région est de se retrancher constamment derrière l'idéologie.

Que ferez-vous si un parti idéologique comme le Hamas gagne les élections législatives palestiniennes ?

Le problème que pose le Hamas, ce n'est pas tant l'idéologie que le fait qu'ils sont armés. On ne discute pas face à des armes. Ce sont surtout les Palestiniens qui pâtiront d'une victoire du Hamas. Qui les financera si le Hamas gagne ? Avec la lutte armée, le Hamas a retardé le processus de paix de dix ou quinze ans. Si le Hamas introduit les armes dans la négociation, il n'y aura pas de négociation. Abou Mazen [Mahmoud Abbas] dit qu'il n'y a qu'une seule arme chez les Palestiniens [celle de l'Autorité palestinienne] . Nous verrons s'il parvient à imposer son point de vue. On ne peut pas avoir Nelson Mandela et Saddam Hussein dans le même bateau.

Le Hamas dit que le retrait de Gaza est sa victoire.

Mais on se serait retiré il y a longtemps, il y a dix ans, s'il n'y avait pas eu le Hamas ! C'est lui qui nous a obligés à rester dans Gaza.

Quand le Parti travailliste va-t-il se désengager de la coalition d'Ariel Sharon ?

Nous sommes très fiers de ce que nous avons fait. Nous avons eu raison d'entrer au gouvernement. Sans nous, il n'y aurait pas eu de retrait de Gaza. Le Likoud est plongé dans un profond désarroi. En novembre, après ses primaires, nous y verrons plus clair. Nous aurons au même moment nos propres primaires. Je serai candidat. Il n'y pas de raison de se presser.

La presse israélienne suggère qu'Ariel Sharon ferait aujourd'hui un bon chef du Parti travailliste.

Ce sont les mêmes qui le décrivaient comme le diable auparavant. Ces gens cherchent toujours un centre sans parvenir à le trouver. Je ne compte pas là-dessus. Quand on me parle de "big bang" [un rassemblement de l'aile gauche du Likoud et de l'aile droite du Parti travailliste], cela me fait toujours penser aux "trous noirs". Le Likoud est divisé d'un point de vue idéologique. Nous, nous avons simplement des querelles de personnes. C'est plus facile à résoudre. A partir du moment où le Likoud a adopté une partie de notre programme, avec Gaza, il a soulevé une grande interrogation. Pour l'instant, les sondages le donnent vainqueur. Mais qu'en serait-il avec Bibi [Benyamin Nétanyahou, qui compte disputer à M. Sharon la direction du parti], surtout une fois que nous aurons réglé nos problèmes ?

Quel serait votre programme du Parti travailliste ?

Poursuivre les négociations avec les Palestiniens jusqu'à un accord définitif, lutter contre la pauvreté, réformer le système éducatif et développer le Néguev et la Galilée.

Seriez-vous prêt à travaillez avec M. Sharon après les élections ?

La question n'est pas avec qui gouverner, mais pour quoi faire.

Propos recueillis par Gilles Paris
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Des colonies de Cisjordanie disparaîtront

Une semaine après l'évacuation des colons de la bande de Gaza, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, a affirmé, lundi 29 août, que les colonies juives en Cisjordanie ne resteront pas toutes en place. "Les communautés -colonies- existantes aujourd'hui en Judée-Samarie -Cisjordanie- ne resteront pas tou tes" , a-t-il déclaré à la télévision privée israélienne 10. Il a répété que son pays maintiendrait sous son contrôle "les grands blocs de colonies (...) liés territorialement à Israël", ainsi que "des zones de sécurité". "Cela ne peut avoir lieu que lors des dernières phases" d'éventuelles négociations avec les Palestiniens, a-t-il ajouté. M. Sharon estime que, dans le cadre de tout accord futur avec les Palestiniens, six grands blocs de colonisation seront maintenus en Cisjordanie, notamment autour de Jérusalem.

Le haut représentant pour la politique extérieure de l'Union européenne, Javier Solana, a souhaité lundi, à Gaza, qu'Israéliens et Palestiniens lancent sans attendre le processus de la "feuille de route", le plan de paix international pour le conflit israélo-palestinien. - (AFP.)
Article paru dans l'édition du 31.08.05

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