30.8.05

Les Bédouins "collaborateurs" d'Israël sont les derniers à quitter Gaza

LE MONDE | 30.08.05 | 13h32
JÉRUSALEM de notre correspondante

Delégués depuis des années dans un village isolé du sud de la bande de Gaza, les quelque 250 habitants de Dahaniya auront été les derniers civils vivants à quitter le territoire palestinien, lundi 29 août. Ni juifs ni colons, ces Palestiniens et ces Bédouins de diverses origines y vivaient retranchés sous la protection de l'armée israélienne. Leur évacuation précède de quelques jours le départ des soldats israéliens qui veillent à la sécurité des ouvriers chargés de démolir les colonies et au démantèlement des bases militaires. Elle intervient aussi alors que l'exhumation des 48 morts du cimetière du Goush Katif a débuté, dimanche 28.
Créé peu après la conquête du Sinaï par Israël en 1967 et peuplé à l'origine de Bédouins expulsés de leurs terres par les Israéliens, Dahaniya est devenu, pour les Palestiniens, le symbole du mal absolu : la collaboration avec l'occupant. Jusqu'en 1979, date de l'accord de paix signé avec l'Egypte, le village a servi de refuge aux Bédouins ayant travaillé pour Israël dans le Sinaï.
Pendant la première Intifada, entre 1987 et 1993, comme dans la période récente, l'armée israélienne a abondamment utilisé les renseignements obtenus par la population locale pour arrêter ou tuer des militants palestiniens.
A l'époque, plus d'un millier d'espions démasqués par leurs compatriotes ont été liquidés par les groupes armés ; arrêtés, certains ont été par la suite condamnés à mort et exécutés par la justice palestinienne. Les autres ont été exfiltrés par les autorités israéliennes de l'autre côté de la frontière. Parmi eux, beaucoup ont transité par Dahaniya avant de s'installer en Israël.
La population de Gaza reste convaincue que tous ceux qui y vivaient encore jusqu'à ces derniers jours sont "des traîtres" . S'ils étaient demeurés sur place après le retrait des forces israéliennes, leur vie aurait pu être menacée. Seules quelques familles ont choisi de demeurer dans la ville palestinienne de Rafah, d'où elles espèrent rallier l'Egypte, leur pays d'origine.
La moitié des habitants de Dahaniya disposent déjà de la nationalité israélienne, les autres devraient l'obtenir dans les prochaines semaines. "Nous avons un sentiment de responsabilité -envers ces gens-", a déclaré un porte-parole de l'administration militaire, qui a précisé que toutes les familles recevraient des indemnités calculées sur la base du nombre d'années passées sur place. "Nous faisons un effort particulier pour eux car, selon la loi -de compensation-, seuls les propriétaires peuvent toucher des indemnités." La ville israélienne d'Arad dans le désert du Néguev et une tribu bédouine du sud d'Israël ont accepté d'accueillir ces évacués volontaires. Contrairement aux colons, qui ont été relogés dans des maisons préfabriquées ou des chambres d'hôtel, les habitants de Dahaniya seront provisoirement hébergés dans un village de tentes.
Cet ultime épisode de l'évacuation de la bande de Gaza s'est déroulé alors que plusieurs familles de colons procédaient aux dernières démarches marquant leur départ définitif du Goush Katif. Depuis dimanche 28, les corps de civils et de militaires décédés de mort violente ou de maladie dans les colonies sont réinhumés dans des villes d'Israël. Les cérémonies d'exhumation vont se poursuivre dans les prochains jours, sous le contrôle des autorités rabbiniques militaires. Les familles qui s'étaient farouchement opposées à cette procédure et avaient déposé un appel en justice contre l'exhumation des corps ont finalement trouvé un accord avec le gouvernement. Selon la loi juive, elles doivent organiser de nouvelles funérailles pour enterrer leurs proches une deuxième, voire, pour certains cas exceptionnels, une troisième fois.

Stéphanie Le Bars
Article paru dans l'édition du 31.08.05

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