2.9.05

Le Pakistan fait un premier pas vers la reconnaissance de l'Etat d'Israël

LE MONDE | 02.09.05 | 13h47  •  Mis à jour le 02.09.05 | 13h47
ISLAMABAD de notre correspondante en Asie du Sud

Le Pakistan ne reconnaîtra pas l'Etat d'Israël avant la création d'un Etat palestinien. C'est ce qu'a précisé, jeudi 1er septembre à Quetta, le président pakistanais, le général Pervez Musharraf, quelques heures après la première rencontre officielle à Istanbul entre le ministre des affaires étrangères pakistanais, Khurshid Kasuri et son homologue israélien, Silvan Shalom.
Le président Musharraf, qui, déjà en 2003, avait affirmé que le temps était venu de considérer l'établissement de relations diplomatiques avec Israël, a justifié cette rencontre en affirmant : "Nous devons adapter notre politique à l'environnement international et nous devons anticiper les changements." Le président a pris soin de signaler qu'il avait reçu l'approbation du roi Abdallah d'Arabie saoudite et celle du président palestinien Mahmoud Abbas, informés quarante-huit heures plus tôt.
Le président Musharraf a d'autre part annoncé que le Pakistan allait envoyer une délégation de haut rang à Jérusalem, "où elle serait accueillie par les Palestiniens et les Israé liens". Le communiqué publié à Islamabad souligne que cette rencontre veut "marquer l'importance qu'attache le Pakistan à la fin de l'occupation israélienne de Gaza et au processus de paix au Proche-Or ient".
A deux semaines de sa visite à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU, le président Musharraf espère sans doute que cette rencontre, souhaitée depuis longtemps par Washington, allège les pressions sur son pays, soupçonné de ne pas en faire assez dans la "guerre contre le terrorisme".
En s'affichant aux côtés d'Israël, Islamabad cherche à se gagner les faveurs du lobby juif américain, à un moment où derrière les satisfecit officiels des voix s'élèvent à Washington pour dénoncer le double jeu pakistanais dans la lutte contre Al-Qaida. Dans ce contexte le président Musharraf a révélé la semaine dernière qu'il avait accepté de s'adresser en marge de son séjour à New York à une conférence interreligieuse organisée par le Council for World Jewry.
" Je serais le premier dirigeant islamique à m'adresser aux juifs américains. Cela ne devrait mettre personne en colère", a-t-il dit jeudi. Ce geste s'inscrit aussi dans la volonté affichée du président Musharraf de faire du Pakistan le chef de file d'un islam modéré.
Enfin, ce rapprochement avec Israël est aussi une conséquence de l'inquiétude d'Islamabad face aux développements rapides et intenses des relations militaires entre l'Inde et Israël. Israël est le deuxième fournisseur d'armement à l'Inde, et l'Etat juif a livré à New Delhi des matériels sensibles, notamment le long de la ligne de contrôle qui sépare au Cachemire l'Inde du Pakistan.

LIVRAISONS D'ARMES

L'armée indienne au Cachemire a aussi reçu l'aide de l'armée israélienne pour sa conduite des opérations. Le Pakistan espère visiblement qu'en se rapprochant d'Israël il peut freiner la livraison d'armes israéliennes sophistiquées à l'Inde, voire en obtenir pour lui.
Les partis religieux regroupés au sein du Muttahidda Majlis-e-Amal (MMA) ont condamné cette rencontre, et le chef du MMA, Qazi Hussain Ahmed, a appelé "les Pakistanais à organiser des manifestations de protestation". "Cette rencontre était le premier pas vers la reconnaissance d'Israël, mais nous ne permettrons pas au gouvernement d'y proc éder" , a-t-il ajouté. La Ligue musulmane de l'ancien premier ministre Nawaz Sharif a aussi jugé "prématurée" cette rencontre, qui servira au gouvernement à jauger, avant peut-être d'aller plus loin, les réactions de la rue.

Françoise Chipaux
Article paru dans l'édition du 03.09.05

Aucun commentaire: