8.9.05

Variations démocratiques

L’actualité internationale semble marquer le pas ces derniers temps, langoureusement envahie par les chutes d’avion, les montées d’eau et autres pandémies galopantes. Pourtant, au milieu des évidences évidentes, émergent quelques contradictions propres à la surmédicalisation ambiante de la guerre contre le terrorisme. Aux Etats-Unis, cette charge contre George W. Bush de la part de médias qui le louaient encore pour son action à la tête du pays quelques jours auparavant réédite en fait la sempiternelle méfiance de l’Amérique profonde contre le gouvernement fédéral. Pour leur part, les médias internationaux ne veulent y voir que la désorganisation de la superpuissance mondiale, et donc l’incapacité de George W. Bush à résorber son quart-monde. En fait, la médiatisation de Katrina révèle une Amérique que le cinéma hollywoodien ne montre guère au monde depuis « Les Raisins de la Colère » de John Ford. Mais les esprits locaux n’ont pas oublié la « Grande Dépression », et la déliquescence de La Nouvelle-Orléans, avec ces maisons en bois, la corruption de ses services municipaux, renvoie largement à cette réalité. D’où le combat contre un George W. Bush qui a revêtu les habits de Franklin D. Roosevelt depuis le 11 septembre 2001. Il serait tant qu’il songe à un « New Deal » pour « The Big Easy »…
Pendant que les Etats-Unis démontre comment le nouveau format des armées (un conflit principal à cent mille hommes, renouvelables tous les six mois, et une intervention secondaire limitée en hommes, c’est-à-dire sans rotation, et en temps), l’Europe montre combien le mot « démocratie » est galvaudé. En France, on le savait déjà, depuis que les politiciens avaient cédé à la tentation du civisme, en fait du moralisme, et préféré parler de « république » et de « républicains », en lieu et place de « France » et de « Français ». Mais la présidence anglaise, qui soit dit en passant apparaît moins médiatique, et certainement moins active que la sortante luxembourgeoise, prend le dangereux chemin de la peur. Les mesures antiterroristes qu’elle entend faire accepter aux Vingt-cinq des mesures restrictives quant aux échanges téléphoniques par portables. Si l’idée de conserver la trace des conversations privées pendant un an, et donc de les analyser en fonctions de mots-clés, comme dans un nouveau réseau Echelon, n’a rien de scandaleux en soi, le fait d’abriter ces mesures derrières des arguments d’anti-terrorisme. La proximité des attentats de Londres est une occasion idéale pour éviter tout débat et contrôle. Elle ouvre aussi la porte à d’autres restrictions de liberté au nom d’une menace à la démocratie. Et si la contestation médiatique du président américain est saine autant que révélatrice d’une civilisation de l’instant, sinon de l’instantané, les propositions de Tony Blair sont autrement plus dangereuse que la Patriot Act. Non seulement, elles entendent flatter une population européenne qui a peur, qui est apeurée par l’absence de perspective sociale autant que par les échos médiatiques sécuritaires, mais elle remet en cause le fondement même de la démocratie, la Liberté.
Pendant ce temps, les Etats-Unis et l’Europe scrutent attentivement les avancées démocratiques ici ou là. La croisade pour un monde démocratique repose sur un atavisme électoraliste pur. Autant les politiques d’Occident sont de moins en moins représentatifs des sentiments de leurs électeurs, au point que des points « alter » deviennent légitimes, autant les démocrates d’Egypte, d’Irak, de Palestine et d’ailleurs ne sont pas en phase avec leur histoire immédiate. Si les « cocus » de la Guerre froide, anciens trotskos, stalinos ou maos, et même ces fondamentalistes de tous bords, correspondent bien à l’état du débat politique occidental, devenant tout simplement plus visibles que les autres courants sont devenus interchangeables, la notion de pouvoir et du fonctionnement de l’Etat est tout autre en dehors de la sphère occidentale. Et du modèle en crise qui est exporté dans le monde, il ne reste plus que des élections. Or, des élections n’ont jamais été synonymes de démocratie, sinon de démocratie populaire…
Heureusement, de temps en temps, de vrais débats éclairent cette actualité embrouillée. Après la querelle sur la mort de Napoléon Ier, dont de nouvelles révélations, depuis Bâle cette fois, vont être prochainement rendues publiques, voilà que le quotidien israélien Haaretz révèle que l’ancien dirigeant palestinien Yasser Arafat est décédé d’un empoisonnement, du SIDA ou d’une infection selon le rapport médical secret établi par l’hôpital français, où il est décédé le 11 novembre dernier, indique. Selon le journal qui publie une photocopie d’une des pages du rapport médical, les médecins israéliens et étrangers ne sont pas parvenus à une conclusion claire sur la cause du décès de Yasser Arafat.
Le rapport secret qui a été remis à la veuve de l’ancien président de l’Autorité palestinienne, Souha Arafat, ainsi qu’à des dirigeants palestiniens, est publié dans une nouvelle édition du livre intitulé « La septième guerre », rédigé en hébreu par deux journalistes israéliens, Amos Harel et Avi Isacharoff. L’ouvrage ne lève pas le mystère entourant le décès qui aurait été provoqué par une hémorragie cérébrale. « Mais les discussions entre un grand nombre d’experts montrent qu’il est n’est pas possible de déterminer une cause qui expliquerait la combinaison des symptômes qui ont amené au décès du patient ».
Le docteur Ashraf al Kurdi, le médecin personnel de Yasser Arafat qui n’a pas participé au traitement médical donné à son patient durant les dernières semaines de sa vie a affirmé que des médecins français lui avaient révélé que le virus du SIDA avait été trouvé dans le sang de Yasser Arafat. Al Kurdi a refusé de préciser de qui il tenait cette information, mais il a affirmé que ce virus avait été introduit dans le sang de Yasser Arafat en vue d’effacer les traces d’empoisonnement, la cause réelle du décès, précise le livre.
Plusieurs responsables des services de sécurité palestiniens, tels Muhammad Dahlan, et Jibril Rajub affirment dans le livre qu’ils sont persuadés que Yasser Arafat a été empoisonné. Selon eux, le dirigeant palestinien n’était pas assez prudent et pouvait être facilement empoisonné car il mangeait des friandises et prenait des médicaments que lui amenaient des hôtes sans contrôle médical. Le bureau du Premier ministre Ariel Sharon a pour sa part affirmé que les informations sur l’empoisonnement du dirigeant palestinien par Israël sont « totalement absurdes ».
Le Haaretz indique que des experts israéliens qui ont examiné le rapport français estiment que l’empoisonnement lors d’un dîner le 12 octobre 2004 à la Muqata, le quartier général de Yasser Arafat, à Ramallah est la cause la plus probable du décès. A la suite de ce repas, l’état de santé de Yasser Arafat s’est dégradé rapidement. Il a souffert de pertes de mémoire, de brutales sautes d’humeur, tandis que des taches rouges « suspectes » apparaissaient sur son visage. L’ancien président de l’Autorité palestinienne avait été admis le 29 octobre à l’hôpital militaire Percy de Clamart, près de Paris, où il est décédé le 11 novembre.

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