7.9.05

La fronde des médias contre George Bush

LE MONDE | 07.09.05 | 13h38  •  Mis à jour le 07.09.05 | 14h05
WASHINGTON correspondance

e premier a donner le ton a été le New York Times , qui écrivait, le 5 septembre : "Quand même Fox News n'accorde pas plus que la moitié de son écran au ministre de la défense, Donald Rumsfeld, pour sa première apparition sur la zone du désastre après l'ouragan Katrina, il est clair que la télévision traverse une période de changement d'humeur important."
La très conservatrice chaîne d'information de Rupert Murdoch a, elle aussi, critiqué le gouvernement, tandis que ses reporters constataient sur place la carence des pouvoirs publics. Sa couverture lors de la conférence de presse de M. Rumsfeld, mardi 6 septembre, donnait même l'impression que les paroles du ministre de la défense avaient moins d'importance que les images du désastre que les téléspectateurs voyaient en même temps. Certains commentateurs de Fox essaient de rectifier le tir en s'attaquant au maire de La Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, et à la gouverneure de Louisiane, Kathleen Blanco, deux démocrates.

Les médias américains ont réagi à l'unisson, en découvrant, avec un peu de retard, l'ampleur des dégâts de l'ouragan. Les deux visites de George Bush dans la région n'ont pas fait les premiers titres des journaux télévisés, qui ont focalisé leur attention sur les réfugiés et l'inadéquation de la réponse gouvernementale.
Les journalistes arrivés sur place ont tous expliqué qu'ils ne comprennent pas pourquoi les secours ne prennent pas le même chemin qu'eux. Certains perdent leur sang-froid, parfois au bord des larmes, devant les horreurs qu'ils découvrent. Ils bousculent les personnalités qu'ils interrogent. Le ministre de la sécurité intérieure, Michael Chertoff, a ainsi été malmené sur les principales chaînes, surtout dans l'émission dominicale influente "Meet the Press" sur NBC.


LA QUESTION RACIALE


En interrogeant la sénatrice de Louisiane, Mary Landrieu, qui se félicitait de l'aide de 10 millions de dollars accordé par le Congrès, le journaliste de CNN Anderson Cooper s'est emporté : "Depuis quatre jours, je vois des cadavres dans les rues" , en expliquant à l'antenne qu'il était difficile d'"écouter des politiciens se remercier et se complimenter les uns les autres, alors qu'il y a des gens qui sont très choqués, en colère, et très déçus" .
L'ancien député républicain Joe Scarborough, devenu animateur d'un "talk-show" sur la chaîne d'information MS-NBC, parle, lui, de "honte nationale" et demande des réponses au président Bush. Un journaliste du magazine en ligne Slate , Jack Shafer, résume cette fronde des médias, sous le titre : "La révolte des têtes parlantes".
Après l'ouragan, les médias ont violé ce qui était un tabou depuis le 11-Septembre et la guerre en Irak, montrer des morts. Les télévisions préfèrent montrer des images de rescapés mais n'évitent plus désormais les plans rapides sur des corps flottant dans les rues.
Accusés de complaisance à l'égard du gouvernement au moment du déclenchement de la guerre en Irak, les médias ont amélioré leur image grâce à leur couverture de cette crise. Mais le climat d'hostilité à l'égard de la presse reste fort. Sur Internet, de nombreux bloggers dénoncent le retard dans la couverture des médias. Mais c'est la question raciale qui est au centre des critiques. Comme l'a dénoncé Jack Shafer dans Slate, pendant les premiers jours les télévisions n'ont pas osé dire clairement ce que montrait leurs images : les victimes étaient en majorité des pauvres et des Noirs.

Alain Salles
Article paru dans l'édition du 08.09.05

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