25.11.05

La coopération euroméditerranéenne en panne

Il y a dix ans était lancé le processus de Barcelone censé favoriser la démocratisation et le développement économique en Méditerranée. Les chefs d'Etat de l'UE et des dix pays méditerranéens partenaires se réunissent à partir de dimanche dans la capitale catalane pour en dresser un bilan.

Alain Barluet
[Le Figaro, 26 novembre 2005]

L'IDÉE était bonne mais les résultats sont décevants. Réunis pour la première fois à Barcelone, dimanche et lundi, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne et de dix pays du bassin méditerranéen dresseront un bilan en demi-teinte du partenariat qu'ils ont scellé il y a tout juste dix ans dans la capitale catalane.
A l'issue du sommet, ils s'engageront à relancer le «processus de Barcelone», adopteront un «code de conduite» contre le terrorisme et, face au défi de l'immigration, valideront une approche globale associant le renforcement des contrôles et l'aide au développement. La tâche s'annonce rude. Pourtant, si le projet Euromed manque aujourd'hui de visibilité et de consistance, il n'était pas dénué d'ambitions initiales. Le 28 novembre 1995, la déclaration de Barcelone jetait les bases d'un partenariat global – politique, économique, culturel –, entre les deux rives de la Méditerranée. Il visait à développer le dialogue politique, de promouvoir la sécurité et la stabilité, de créer un espace de «prospérité partagée» et de libre-échange et de favoriser un rapprochement entre les cultures.

Des accords conclus mais non appliqués

L'époque était à l'optimisme : après la chute du Mur de Berlin et les accords d'Oslo, l'Europe souhaitait «assurer» ses marges méridionales et équilibrer vers le Sud des relations qui s'engageaient enfin avec l'Est. Dix ans plus tard, les espoirs n'ont pas été comblés.
Certes, sur le volet économique, des accords d'association (9 au total), ont été conclus. Mais tous ne sont pas encore ratifiés ni appliqués. Un projet d'accord, paraphé l'an dernier avec la Syrie, est en panne depuis la crise ouverte au printemps dernier avec Damas. Le président Bachar al-Assad n'a d'ailleurs pas été invité. Entre les deux rives de la Méditerranée, les inerties et les déséquilibres persistants ont hypothéqué la perspective d'un espace de libre-échange à l'horizon 2010, notamment parce qu'entre les pays du Sud, les échanges restent peu développés. Euromed reste à «multilatéraliser».
Au total, l'écart économique et social entre les deux groupes de partenaires s'est élargi. A Barcelone, l'UE s'attachera à rassurer le Sud qui s'estime négligé au profit des «nouveaux voisins» de l'Est. Les financements n'ont pas manqué (8,8 milliards d'euros de dons Meda ; environ 10 milliards de prêts de la BEI depuis 1995). Mais ils ont été peu ou mal employés quand ils n'ont pas carrément été détournés. Faible initialement, l'utilisation effective de ces financements a progressé (de 29% à 81% entre 1995 et 2003). Mais cela a surtout été le fait de gouvernements qui ont sollicité cette manne qui a pu être utilisée à d'autres fins que les projets prévus.

Au plan politique, le bilan est encore plus sombre.

Euromed dégageait pourtant un forum sans équivalent en réunissant Européens, Arabes, Turcs et Israéliens.
Des contacts réguliers ont été mis en place de même qu'une assemblée parlementaire (240 membres : 120 du Sud, 120 du Nord). Mais le retour de flammes au Proche-Orient a enrayé la mécanique. Les projets réalisés avec l'Autorité palestinienne (1,5 Mds€) ont été réduits à néant. Par ailleurs, Euromed n'a pas favorisé la démocratisation du Sud, contrairement à son objectif initial. Un pays comme la Tunisie a pu tirer son épingle du jeu en bénéficiant des fonds européens sans libéraliser son régime. Le 11 Septembre, en donnant la priorité de la lutte antiterroriste, a marqué un autre tournant. Nombre d'États méditerranéens ont joué le jeu pour tenter de peser davantage dans un paysage stratégique dominé par les Américains et leur projet parallèle de «Grand Moyen-Orient». Au sein d'Euromed en panne, le volet sécuritaire et les questions migratoires s'affirment.

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